A propos de l'unité syndicale et politique...
Blog de notre camarade B. Giusti
Xavier Bertrand, ministre de la Santé de Sarkozy, a récemment donné le coup d’envoi d’une nouvelle offensive contre les statuts de la fonction publique, en s’en prenant aux « emplois à vie » des fonctionnaires. Cette attaque n’est pas anodine mais se situe dans la droite ligne de la politique libérale menée depuis plusieurs décennies, dont l’objectif est de privatiser tous les services publics. Mais ce qui est visé, au-delà des profits des patrons, ce sont les structures fondamentales de la République issue de la Révolution de 1789.
Les services publics « à la française » font en effet figure d’exception dans « l’Euramérique » chère à Sarkozy. Dans l’optique républicaine, les services publics devaient permettre à tous les citoyens de la Nation de bénéficier de services de même qualité partout sur le territoire de la République. C’est à travers les services publics que l’un des principes de notre devise, l’égalité, peut être assurée. Un citoyen, où qu’il se trouve, doit pouvoir se faire soigner, éduquer ses enfants, voyager, être protégé, dans les mêmes conditions que tous les autres citoyens, et ceci en fonction de ses besoins et non pas de ses moyens.
Tout cela n’est pas du goût de nos libéraux (Hollande), néolibéraux (Sarkozy) ou ultralibéraux (Le Pen), qui voient d’un mauvais œil que les impôts pris aux citoyens puissent financer les services publics. Pour eux, ces derniers sont surtout un domaine dans lequel ils ne peuvent pas faire de profits. Les transformer en un vaste marché répond donc à deux objectifs : ouvrir un espace de profits et contribuer à faire disparaître les institutions et les structures de la République, incompatibles avec la vision anglo-saxonne d’une société libérale[1][1], ou antinomique avec « l’Etat français » pétainiste[2][2].
Cette politique capitaliste génère ses effets pervers : inégalité dans les soins, l’éducation, les transports, la protection sociale, la police, etc., tout cela sur un fond d’appauvrissement exponentiel de la population et d’enrichissement indécent du petit nombre des plus riches. Et si la France tend aujourd'hui vers une structure sociale de type tiers-monde, c'est bien par l'écart de plus en plus grand - un gouffre - entre les pauvres et les riches, l'appauvrissement des classes moyennes et la corruption de la "noblesse républicaine"[3][3].
L’entreprise de démolition des fondements de notre République n’aurait pas été possible sans la totale confiscation du pouvoir par la bourgeoisie. Sa mainmise n’est certes pas nouvelle et a commencé dès la Révolution. Mais au fil des époques marquées d’avancées et de reculs, elle s’est progressivement renforcée, particulièrement au 20e siècle grâce à l’essor des médias et des communications. Dès lors la bourgeoisie a eu entre les mains une formidable arme de propagande idéologique. L’indépendance de la presse garantie par le CNR n’est plus aujourd’hui qu’un souvenir et la pensée unique domine les ondes, les écrans et les journaux. Simultanément, des verrous institutionnels interdisent désormais toute réelle démocratie, réservant le pouvoir à une caste complice de la finance et du patronat. Le dévoiement des institutions démocratiques est particulièrement évident aujourd’hui[4][4]. Notre démocratie est bien celle du « cause toujours ».
Face à la machine de guerre mise en place par le patronat et la finance pour asservir les citoyens avec la complicité d’une classe politique corrompue, quelles ripostes peuvent apporter les forces réellement démocratiques à la gauche du PS ? Bien évidemment seule une mobilisation populaire massive pourrait contrer l’offensive libérale. Pour ce faire, les forces de gauche, qu’il s’agisse du PCF ou de la CGT, mettent en avant une nécessaire « unité ». Le grand mot est lâché ! Or l’unité peut recouvrir bien des réalités. La vision unitaire est un des principes mêmes du communisme, et l’une des bases du syndicalisme. Cependant, soit par souci électoraliste, soit par raisonnement idéologique faussé, certains de nos camarades pensent que c’est en faisant l’unité avec d’autres partis ou syndicats que se renforcera la lutte des classes. Eh bien non, c’est l’inverse : « La lutte des classes est la base de l’unité, son motif le plus puissant. »[5][5]
C’est en affirmant nos positions de lutte des classes que nous pourrons rassembler, étant entendu que l’unité des travailleurs n’a rien à voir avec un ramassis de partis ou syndicats réformistes.
La voie du réformisme et de la collaboration de classes ne peut que renforcer le capitalisme : « Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collaboration de classes. Elle les désarme dans la défense de leurs intérêts et provoque la division. »[6][6] Les dernières décennies l’ont prouvé : chaque fois que la CGT ou que le PCF se sont rapprochés un peu plus des réformistes, les travailleurs en ont payé le prix.
C’est en affirmant nos valeurs sur une ligne de lutte des classes que nous pouvons rassembler la Nation afin de changer ce système corrompu et d’instaurer une nouvelle République basée sur la justice sociale et le partage équitable des richesses. La nécessaire unité des travailleurs ne doit pas passer par des mésalliances : à ceux qui partagent nos positions de classe de nous rejoindre, nous ne devons pas nous compromettre avec les sbires du capitalisme.
Bernard Giusti & Marise Dantin
Responsables CGT Cochin
[1] [1] Par ex., celle de l’Europe
[2] [2] Que Mme Le Pen aimerait tant rétablir
[3] [3] Cet écart a été encore aggravé par l’invention de « la dette », que l’on peut qualifier d’arnaque du siècle. La dette permet au capitalistes d’augmenter les impôts en diminuant les dépenses publiques (mais alors à quoi servent les impôts ?), d’augmenter la pression sur les salaires (notamment grâce au chômage), etc. Invention géniale pour les capitalistes, la dette a pour nature de ne jamais pouvoir être épurée !
[4] [4] Cf. le référendum sur le TCE ignoré et bafoué par Sarkozy
[5] [5]- 6 Henri Krasucki