Le "pacte de responsabilité" : un marché de dupes!
D'où il apparaît que les contreparties jetées en pâture aux organisations syndicales ne sont qu'un leurre pour leur faire approuver les cadeaux au patronat !
ALORS il faut arrêter de faire semblant qu'il y a quelque chose à négocier et pour nos directions cesser de hanter les salons du "dialogue social" et d'espérer quoi que ce soit de la "grande conférence sociale" concoctée par Hollande au printemps prochain !
Sur la part des salaires que Benjamin Coriat évalue à 20% dans l'automobile, peut-être est-elle sur-évaluée.
Par exemple pour PSA Aulnay elle était évaluée à seulement 9%!
Source : Libération du mardi 21 janvier 2014
L' "économiste atterré" Benjamin Coriat ne croit pas au bénéfice d'une baisse du coût du travail :
Professeur d'économie à l'université Paris-XIII et coprésident du collectif des " économistes atterrés ", Benjamin Coriat estime que le Pacte responsabilité proposé aux entreprises par le gouvernement ne créera pas d'emplois.
Ce Pacte de responsabilité est-il un marché de dupes ?
Il l'est pour plusieurs raisons. Le gouvernement annonce d'hypothétiques contreparties. Mais on voit bien que le patronat n'est pas disposé à s'engager. Dans un récent entretien, Pierre Gattaz, le patron du Medef, a déclaré que les entreprises pourraient créer un million d'emplois à la condition qu'on baisse leurs charges de 100 milliards d'euros. Faute d'obtenir 100 milliards, il en obtient 30. Il est temps de se rendre à l'évidence ! Gattaz fils nous fait le coup de Gattaz père.
C'est-à-dire ?
Souvenez-vous, nous sommes au milieu des années 80. Philippe Séguin est ministre de l'Emploi. Que lui dit Yvon, Gattaz père ? "Supprimez l'autorisation administrative de licenciement, et je m'engage à échéance de trois ans à créer 540 000 emplois. " Trois ans plus tard, la France comp- tait 200 000 chômeurs de plus. Pour s'en justifier, le patronat se réfugiait alors derrière la crise économique et une demande atone. Gattaz fils rejoue la même pièce.
Etes-vous en train d'affirmer qu'il n'existe pas de corrélation entre baisse du coût du travail et création d'emplois?
Il y a une contradiction entre ces deux termes. Pour être efficace, la baisse du coût du travail doit être violente. Or, lorsqu'elle est violente, elle tue la demande. Il suffit de regarder du côté de la Grèce ou encore de l'Espagne. Croit-on sincèrement que l'Espagne est sortie d'affaire simplement du fait que sa balance commerciale soit légèrement positive ? Ou encore que la Grèce, en excédent budgétaire primaire, est sur la bonne voie ? C'est oublier à quel prix ces deux pays obtiennent ces résultats. L'Espagne est en pleine dépression sociale, avec un taux de chômage officiel de 27% et un taux de pauvreté qui n'en finit pas de se détériorer. Avoir un peu plus d'exportation ne signifie pas une baisse du chômage.
Pourquoi êtes-vous aussi catégorique ?
Quiconque connaît la structure des coûts de production en France sait que le Pacte de responsabilité ne sera d'aucun effet sur l'emploi. Prenons le secteur automobile : la baisse du coût du travail sera marginale sur l'emploi. Pourquoi ? Du fait que le coût du travail ne re- présente qu'une part relativement faible du coût total de production dans le secteur de l'automobile. Il est de 20%. In fine, la disparition des cotisations familiales patronales payées par les entreprises pourrait se traduire par une baisse du coût total de production de l'ordre de 2 à 6%. Pas de quoi générer des embauches à tour de bras. Il serait plus avisé de trouver des économies dans les 80% du reste des coûts de production. Par exemple ? Le gouvernement aurait pu chercher à diminuer le coût de financement des entreprises. Rappelons que la rentabilité exigée par les actionnaires est de l'ordre de 15%, ce qui pèse énormément sur le coût du capital. Autrement dit, financiarisation de l'économie oblige, le coût d'approvisionnement en capital a exagérément augmenté. Mais rien sur ce sujet. Pas la moindre proposition de solution alternative.
Que fallait-il faire ?
Sûrement pas faire croire qu'on va financer ce nouveau cadeau aux entre- prises par une baisse des dépenses publiques. Ce ne sont pas seulement des dépenses de fonctionnement des collectivités locales qui seront affectées par cette politique de l'offre. La baisse des dépenses publiques touchera le financement des crèches, des cantines, de l'aide sociale d'urgence.
Il fallait conditionner l'aide accordée aux entreprises en leur interdisant, par exemple, de racheter des actions qu'elles détruisent ensuite pour faire monter le cours des actions qui restent sur le marché. De telles pratiquent existent, il faut les interdire. Il aurait fallu que le gouvernement s'engage pour favoriser le développement des énergies nouvelles. Parler d'un "Airbus de la transition énergétique", comme l'a fait Hollande, c'est se payer de mots. Rien de plus. ■
par Vittorio De Filippis Recueilli par V.d.f.