Le coût du capital ?

Publié le par FSC

La CGT mène campagne sur le coût du capital dans l'intention de contrer les campagnes sur le coût du travail qui étayent les mesures contre les salaires, le pacte Hollande/Gattaz sur la compétitivité ...

 

Dans l'article ci-après paru dans l'Humanité du 4 juin il est question de mettre en place un indice du coût du capital qui fasse pièce aux campagnes de culpabilisation des travailleurs.

 

C'est sans doute une bonne chose et une bonne intention, une utilité dans le combat idéologique actuel.

 

Mais dans quelle stratégie et quelle politique à long terme cette

 

initiative s'insère-t-elle?

 

Y a-t-il seulement quelque chose de malsain dans le fonctionnement du capitalisme financiarisé ou bien a-t-on affaire à quelque chose de beaucoup plus profond et de beaucoup plus essentiel?

 

Cela renvoie à l'analyse de la crise du capitalisme qui dicte en fait la

stratégie à mettre en œuvre pour la défense du monde du travail :

"lutte pour la sortie de la crise du capitalisme" OU "lutte pour la sortie du capitalisme en crise" comme l'indique avec pertinence Samir AMIN dans l'un de ses ouvrages?

 

Car les conséquences pour l'intervention du mouvement syndical sont tout à fait différentes dans l'un ou l'autre cas.

 

Si on est confronté à des bavures ou des abus, à des dérives comme ils disent ou à "des choses malsaines" ALORS on situe son action dans le cadre et dans le respect du système en place en essayant à la marge de le corriger, d'atténuer les effets de ces "choses malsaines".

 

On prétend vouloir amender mais on se coule dans la logique du système et on finit inévitablement par le défendre contre les travailleurs en lutte.

Comme le pratiquent d'ailleurs depuis longtemps toutes les organisations réformistes, la CFDT en tête ardente partisane du "dialogue social" raisonnable et du "donnant-donnant" qui dans la réalité consiste à convaincre les salariés qu'au final il faut bien s'incliner devant les exigences du capital comme on a pu et comme on peut le voir dans maints conflits.

 

Par contre si on considère que la financiarisation de l'économie et la domination des marchés financiers sont une nécessité structurelle du capital pour permettre aux oligarchies dominantes de continuer à prélever leurs profits maximum ALORS, le combat contre le coût du capital doit se situer dans le cadre d'une confrontation sans compromis avec le patronat et l'oligarchie et cela dans la perspective d'une sortie du système capitaliste lui-même.

 

C'est donc pour nourrir cette réflexion que nous publions ci-après l'article de l'Humanité de ce 4 juin, des extraits d'un texte de Samir AMIN datant de novembre 2008, ainsi que les textes joints d'articles du même auteur dont une interview dans l'Humanité de février 2008.

______________________________

L'Humanité mercredi 4 juin 2014

 

EXPERTISE ÉCONOMIQUE

Vers la création d'un indice du coût du capital

 

A l'initiative de la CGT, une nouvelle étape dans la bataille, capitale, pour l'accès à la connaissance économique.

 

R épondant à une demande de la CGT, le Conseil national de l'information statistique (Cnis) a commencé à travailler à la constitution d'un nouvel outil statistique permettant d'évaluer le poids, de plus en plus lourd, des dépenses des entreprises en capital matériel et financier .

 

Denis Durand

 

"Nous constatons qu'il y a une campagne de culpabilisation des salariés autour du thème du coût du travail. La CGT combat cette cam- pagne en montrant que ce qui han- dicape l'économie française, ce n'est pas que les salariés sont trop bien payés, au contraire, c'est le coût du capital qui freine la contribution des entreprises à la création de richesses dans le pays."

Denis Durand

 

"C'est la raison qui a conduit Thierry Lepaon, secrétaire général de la CGT, à demander l'ouverture de travaux statistiques pour que le débat public puisse disposer d'une information sur le coût du capital sous la forme d'un ou de plusieurs indicateurs, comme on le fait pour mesurer d'autres phénomènes économiques et sociaux. "

 

Denis Durand

 

"Nous avons besoin d'un instrument de mesure qui recouvre l'ensemble des dépenses que font les entreprises au titre de la mo bilisation du capital dont elles se servent pour leur activité. Ça recouvre les dividendes, les intérêts payés aux banques, compagnies d'assurance, fonds de placement, mais il faut s'intéresser aussi au coût du renouvellement des équipements, ou encore à l'augmentation considérable du coût de la propriété foncière, qui pèse aussi sur les décisions des entreprises. Des travaux de chercheurs, comme ceux de l'université de Lille, ont mis en évidence que le coût du capital a atteint un tel niveau aujourd'hui qu'il décourage tout investissement qui ne répondrait pas à une norme de rentabilité le chiffre couramment cité étant de 15 %, par rapport au capital avancé. C'est la preuve qu'il y a quelque chose de malsain dans le fonctionnement du capitalisme financiarisé. "

 

Denis Durand

 

"Ce que nous visons, c'est à créer les arguments permet- tant de libérer les décisions des entreprises de cette pression exercée par l'exigence de rentabilité du capital. Donc de réduire au maximum les dépenses en capital matériel et fi nancier, de manière à pouvoir dépenser davantage pour les êtres hu mains, en formation, en salaire, en développement de l'emploi qualifié, en amélioration des services publics. On sait très bien que la solution aux difficultés dans lesquelles se trouve l'économie française ne sera pas trouvée sans rapports de forces, luttes.

Et dans ces luttes, l'accès à l'information et la connaissance des réalités économiques, c'est une arme considérable. C'est pour ça d'ailleurs que les dirigeants du monde financier font tout pour en priver les travailleurs."

 

 

■ par Denis Durand Membre Du Cese, Représentant Cgt Au

Groupe De Travail Du Cnis Sur Le Coût Du Capital.

 

____________________________

Débacle financière, crise systémique, par Samir Amin

Novembre 2008

La crise financière était inévitable. Nous n’avons pas été surpris par l’explosion brutale de cette crise, que j’avais d’ailleurs évoquée il y a quelques mois alors que les économistes conventionnels s’employaient à en minimiser les conséquences, notamment en Europe. Pour saisir sa genèse, il faut se débarrasser de la définition courante du capitalisme que l’on définit aujourd’hui comme « néo-libéral mondialisé ». Cette qualification est trompeuse et cache l’essentiel. Le système capitaliste actuel est dominé par une poignée d’oligopoles qui contrôlent la prise des décisions fondamentales dans l’économie mondiale.

Des oligopoles qui ne sont pas seulement financiers, constitués de banques ou d’assurances, mais de groupes intervenant dans la production industrielle, dans les services, les transports, etc. Leur caractéristique principale est leur financiarisation. On doit entendre par là que le centre de gravité de la décision économique a été transféré de la production de plus value dans les secteurs productifs, vers la redistribution des profits occasionnée par les produits dérivés des placements financiers. C’est une stratégie poursuivie délibérément non par les banques mais par les groupes « financiarisés ». Ces oligopoles ne produisent d’ailleurs pas de profits, ils raflent tout simplement une rente de monopoles par le biais de placements financiers.

Ce système est extrêmement profitable aux segments dominants du capital. Ce n’est donc pas une économie du marché, comme on veut le dire, mais un capitalisme d’oligopoles financiarisés. Cependant la fuite en avant dans le placement financier ne pouvait pas durer éternellement, alors que la base productive ne croissait qu’à un taux faible. Cela n’était pas tenable. D’où la dite « bulle financière », qui traduit la logique même du système de placements financiers. Le volume des transactions financières est de l’ordre de deux mille trillions de dollars alors que la base productive, le PIB mondial est de 44 trillions de dollars seulement. Un multiple gigantesque. Il y a trente ans, le volume relatif des transactions financières n’avait pas cette ampleur. Ces transactions étaient destinées à titre majeur à la couverture des opérations directement exigées par la production et le commerce intérieur et international La dimension financière de ce système des oligopoles financiarisés était – ais je déjà dit – le talon d’Achille de l’ensemble capitaliste. La crise devait donc être amorcée par une débâcle financière.


 

interview de S. AMIN par Rosa MOUSSAOUI

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article