France Inter est allée à Marioupol

Publié le par FSC

SOURCE : Histoire et société

France Inter a publié un reportage radiophonique réalisé par son équipe à Marioupol à l’occasion du 1er anniversaire de la reddition du bataillon Azov et de la prise de la ville par les forces russes et pro-russes. Franck Marsal nous parle de ce reportage qui non seulement tranche sur l’ordinaire mais oppose “le dire” sur le FAIRE, ce qui est aujourd’hui une des grandes leçons qui devrait être infligé à la totalité du monde occidental et à nous mêmes communistes, gauche et pseudos progressistes donneurs universels de leçons que le monde entier ne supporte plus (note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Ce simple fait est déjà important, car la presse française ne rend que très peu compte de la vie (et de l’avis) des habitants du Donbass qui ont souhaité faire secession de l’Uraine depuis le coup d’état de 2014.

Avant d’examiner l’intéressant reportage de France Inter, rappelons quelques faits de l’histoire de Marioupol :
La ville, qui était déjà un port important, s’est ralliée à la révolution bolchevique dès le 30 décembre 1917. Port stratégique, elle sera rapidement occupée, d’abord par les puissances centrales (Allemagne, Auriche-Hongrie), puis par les armées blanches (armées contrerévolutionnaires russes) et enfin par les troupes françaises, venues soutenir ces armées contrerévolutionnaires. Elle sera libérée par la flotille rouge de la Mer d’Azov le 29 mars 1919. La ville connaît ensuite un fort développement qui sera marqué par la création de l’usine Azovstal dans les années 30, dans le cadre du programmme d’industrialisation de l’URSS.

Pendant la 2nde guerre mondiale, la ville est occupée par l’Allemagne nazie du 8 octobre 1941. Les allemands y mènent de nombreux crimes :
exécution de 10 000 habitants principalement des juifs,
déportation de 50 000 jeunes hommes et femmes au titre du travail forcé en Allemagne,
déportation de 36 000 personnes en camps de concentration, dont la plupart ne survivent pas.

La ville est libérée par la 44ème armée du front sud de l’Armée Rouge le 10 septembre 1943.

Le reportage, réalisé au 1er anniversaire de la prise de la ville par les forces russes et pro-russes, est intitulé “À Marioupol, ville modèle de la “Nouvelle Russie”, le bruit des pelleteuses a remplacé celui des obus”. Il rend compte des travaux de reconstruction de la ville et c’est l’occation de prendre l’avis des habitants.

Avec forces photos et interview, on perçoit l’ampleur des destructions, des souffrances endurées mais aussi l’effort de reconstruction, que souligne un interviewé en disant “Je ne veux pas blâmer l’Ukraine, mais en 30 ans pas une seule maison n’a été rénovée. Rien ! Ces gens sont venus, ils ont fait plus en un an qu’en 30 ans. C’est toute la différence”.

Dernier sujet abordé : le risque d’un retour de l’Ukraine, auquel les habitants ne croient pas, une quadragénaire affirme ainsi “Nous ne croyons qu’en la paix, en un avenir meilleur et que tout sera florissant”.

Le moins que l’on puisse dire est que le contraste est saisissant entre ce court et direct reportage et ceux qui nous poussent à soutenir la contreoffensive du gouvernement de Kiev.

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Radio France

 

 
Igor Kouchtchenko, le recteur de l'université de Marioupol, sur le chantier de sa future bibliothèque.
Igor Kouchtchenko, le recteur de l'université de Marioupol, sur le chantier de sa future bibliothèque.
© Radio France - Sylvain Tronchet

Plus de dix ans de travaux pour reconstruire la ville

En novembre dernier, Vladimir Poutine avait insisté sur la nécessité de reconstruire, aux côtés des logements, les "infrastructures sociales" de Marioupol : écoles, musées, bibliothèques, théâtres… Il faut "que les personnes qui ont vécu pendant 30 ans sous une propagande nationaliste folle, absolument idiote, puissent comprendre d'où elles viennent", martelait le chef du Kremlin.

En d’autres endroits de la ville, ce sont des hôtels pour touristes qui sortent de terre. Le projet prévoit que l’ancienne ville industrielle deviendra une station balnéaire. D’après les plans révélés par le site d’investigation russe The village, les travaux pourraient durer jusqu’en 2035. Le théâtre de ville où 600 personnes auraient péri suite à un bombardement de l’aviation russe est entouré d’une grande bâche. Sa réouverture est annoncée pour la fin 2024.

Des logements neufs attribués gratuitement

Dans la périphérie de la ville, en quelques mois, des dizaines de nouveaux immeubles d’habitation modernes, aux couleurs vives, ont surgi au milieu des ruines. Les habitants y emménagent gratuitement comme Natalia, qui nous répond du haut de son balcon dans le quartier "Nevsky" où s'était rendu Vladimir Poutine en mars dernier. "J’ai reçu un appel de l’office du logement, ils m’ont dit d’apporter des documents. Je ne m’attendais pas à obtenir un appartement aussi rapidement. Il est bien, il y fait chaud", raconte cette sexagénaire dont le logement a été détruit et qui a passé, comme de nombreux habitants la phase la plus dure des combats terrée dans une cave. "Pour l’instant je ne paie pas", précise-t-elle. "Ils nous ont dit qu’ils nous préviendront quand les charges seront à payer. Tout cela me plait. Le seul bémol c’est qu’il n’y a pas de magasins ni de pharmacie."

 
Sortis de terre en à peine trois ou quatre mois, à Marioupol, les nouveaux immeubles colorés sont les symboles de la reconstruction de la "ville modèle.
Sortis de terre en à peine trois ou quatre mois, à Marioupol, les nouveaux immeubles colorés sont les symboles de la reconstruction de la "ville modèle.
© Radio France - Sylvain Tronchet

Mis à part quelques supermarchés et épiceries, peu de commerces ont rouvert à Marioupol. Mais la ville a déjà sa propre chaîne de télévision, Marioupol 24, qui a rouvert dès août 2022 et qui chronique fidèlement l'histoire de la renaissance de la ville dictée par le pouvoir russe. La plupart des journalistes et techniciens ayant fui la ville, ce sont les "survivants" des trois anciennes stations de télévision de Marioupol, aidés d’une petite équipe de jeunes venus de Donetsk ou de Russie qui réalisent les programmes.

"Tous ceux que la présence des Russes indisposaient sont partis ou morts"

Le message du Kremlin, assis sur les milliards de roubles de fonds publics déversés sur le territoire, semble bien reçu. "Je ne veux pas blâmer l'Ukraine, mais en 30 ans pas une seule maison n’a été rénovée. Rien ! Ces gens sont venus, ils ont fait plus en un an qu'en 30 ans. C'est toute la différence", nous affirme ainsi Valery, rencontré au zoo de Marioupol qui a survécu à la guerre.

Les routes par exemple étaient, il est vrai, notoirement mauvaises dans cette région de l’Ukraine. Comme en Crimée, après l’annexion de 2014, le Kremlin accorde une attention particulière à leur remise en état. "De toutes façons", nous explique un vieil habitant de la ville, "tous ceux que la présence des Russes indisposaient sont ou partis, ou morts". La ville ne compterait plus que 150.000 habitants, trois fois moins qu'avant la guerre.

La silhouette de l'ancienne usine Azovstal, à Marioupol, totalement détruite par les combats qui s'y sont déroulés.
La silhouette de l'ancienne usine Azovstal, à Marioupol, totalement détruite par les combats qui s'y sont déroulés.
© Radio France - Sylvain Tronchet

Néanmoins, pour la plupart de ceux qui sont restés, les conditions de vie restent difficiles. Si les magasins d’alimentation sont à présent correctement approvisionnés, les prix restent élevés, et les revenus faibles, voire inexistants. La destruction de toutes les usines de cette ville industrielle, notamment les deux plus importantes Azovstal et Illitch, laissent une large part de la population sans salaires. Les retraites, désormais payées par la Russie, sont faibles. Certains habitants travaillent sur les chantiers, mais la plupart des postes sont occupés par des travailleurs en provenance de Russie ou des pays limitrophes.

 
Le théatre de Marioupol, où 300 à 600 personnes ont péri dans un bombardement de l'armée russe, est entouré d'une gigantesque bâche.
Le théatre de Marioupol, où 300 à 600 personnes ont péri dans un bombardement de l'armée russe, est entouré d'une gigantesque bâche.
© Radio France - Sylvain Tronchet

Les immeubles ont beau être construits à un rythme infernal, l’ampleur de la tâche est gigantesque. Et nombreux sont les habitants qui dorment encore dans des dortoirs collectifs, faute de pouvoir réintégrer leur ancien logement, détruit. Evguenia vit depuis plus d’un an dans une minuscule chambre avec son fils handicapé. Au milieu des livres et objets qu’elle a pu sauver cette octogénaire nous raconte : "J’avais une maison individuelle à deux étages, non loin de la mer. Et là, ça fait 11 m2 ! Il y a quelques mois Poutine est venu et il a dit : 'on va reconstruire les maisons'. Dieu vous entende les gars ! Parce que la maison, je ne l’emporterai pas avec moi. J’ai 82 ans."

"Nous ne croyons pas à un retour de l’armée ukrainienne"

La ville modèle voulue par le Kremlin n’existe que sur les plans. La situation reste précaire. Dans les rues de Marioupol, souvent désertes, on n’entend que le bruit des engins de chantier et aucune voix dissonante ne vient contredire les promesses d’avenir radieux venues de Moscou. Quand on leur parle de la possible contre-offensive ukrainienne, la plupart des habitants admettent leur inquiétude mais se murent dans une forme de déni. "Bien sûr, les personnes âgées et les cardiaques n'y survivront pas. Et le psychisme des enfants non plus", admet Nata. "Mais je veux dire que nous n'y croyons pas", affirme cette quadragénaire. "Nous ne croyons qu'en la paix, en un avenir meilleur et que tout sera florissant". Le soir même de notre rencontre, un missile ukrainien a survolé le centre-ville pour aller s’écraser le long de la côte. Il visait probablement un casernement de soldats russes. Personne n'en parlait le lendemain.

 
Le cimetière de Starokrimskie, au nord-ouest de Marioupol (Ukraine).
Le cimetière de Starokrimskie, au nord-ouest de Marioupol (Ukraine).
© Radio France - Sylvain Tronchet
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