Disparition de Jean Ortiz : l’internationalisme perd une grande figure

Publié le par FSC

SOURCE : LHumanité

Patrick Apel-Muller

 

 

Spécialiste de l’Espagne républicaine et de l’Amérique latine, l’ancien correspondant de l’Humanité à Cuba s’est éteint, samedi, à l’âge de 74 ans.

« L’ennemi s’est infiltré », disait-il de sa maladie et de ce « diable de scanner qui a marqué un avant et un après », rendant plus épisodiques ses textes sur son blog de l’humanite.fr. Mais, bien conscient de la « défaite à venir », Jean Ortiz était de ces « insomniaques qui guettent angoissés l’aurore afin de reprendre la marche, chaque jour plus claudicante ».

Pour ce « rojo, fils de rojo », une retirada n’interrompait pas le combat. Il s’est éteint, samedi, à l’âge de 74 ans.

 

De l’histoire tragique de l’Espagne qui avait marqué sa famille, comme de la Résistance dans laquelle son père avait combattu dans l’Aveyron, Jean Ortiz tirait une leçon de courage et se faisait un devoir par ses livres d’enquêtes historiques et ses documentaires de rétablir l’ampleur du crime franquiste avec ses massacres, ses enfants volés, ses tombes effacées.

En 2010, il avait vigoureusement appuyé le juge Garzon qui voulait que les crimes des partisans du Caudillo soient jugés, malgré la loi d’amnistie de 1977.

« Je suis du pays de Jaurès, disait aussi Jean Ortiz, du pays des prolétaires du textile, de la sidérurgie, de la mine. » Cet enracinement de classe l’avait naturellement conduit à l’engagement communiste. Il fut même candidat du PCF à deux reprises, lors d’élections législatives dans ses terres tarnaises à Castres (1973), puis en 9 e position dans le Sud-Ouest lors des élections européennes de 2009.

« Être révolutionnaire, affirmait-il, c’est contribuer à faire de l’humanité le moteur d’une vie. » Il tissait son militantisme de tout ce qui faisait son être singulier – pouvait-il faire autrement ? –, de ses passions, de ses « provocations jamais gratuites », de son verbe enfiévré, de ses colères parfois injustes sur lesquelles il savait revenir, de ce sentiment d’urgence qui ne le quittait pas et qui le conduisait à téléphoner au beau milieu de la nuit au directeur de la rédaction de l’Humanité.

Comment lui en vouloir de partager ses insomnies ? Sa sensibilité à vif mettait souvent le doigt sur une arête de l’actualité, sur le revers d’un fait ou une information incomplète.

Devenu correspondant de l’Humanité à Cuba de 1977 à 1981 – il succédait à José Fort et précédait Maité Pineiro –, Jean Ortiz réalise aussi de grands reportages en Amérique latine. Il est ainsi au cœur de la révolution au Nicaragua et accompagne une colonne de guérilleros sandinistes jusqu’à la prise de Managua. Épopée inoubliable.

Après un bref passage parisien comme collaborateur du comité central du PCF sur l’Amérique latine, il quitte le journalisme pour une carrière d’enseignant, même si l’écriture d’un « papier » le démangeait toujours et qu’il y revenait comme à une féconde addiction.

En 1982, Jean Ortiz soutient une thèse de troisième cycle et le jeune agrégé d’espagnol devient maître de conférences à l’université de Pau.

Ses passions l’y accompagnent et il crée un festival, CulturAmerica, dont il fait un pont avec l’Amérique latine, accueillant les personnalités progressistes et les intellectuels du continent, questionnant les expériences citoyennes qui y naissent et nouant des amitiés, avec Evo Morales notamment.

 

Le rendez-vous devient vite incontournable pour les chercheurs comme pour les amoureux de cette région du monde. Devenu un spécialiste reconnu de l’Amérique centrale et du Sud, il produit plusieurs ouvrages – dont l’un consacré à Che Guevara [1] – et secoue les consciences sur les crimes de Pinochet avec l’avocat chilien, son ami, Eduardo Contreras.

Producteur d’articles universitaires, Jean Ortiz touche à de multiples domaines, scénariste et metteur en scène avec son ami Dominique Gautier (3), mais également aficionado averti. Dans l’Humanité, il rédige plusieurs articles de défense de la corrida et publie un ouvrage de référence, Tauromachie et représentation du monde en Amérique latine (éditions

Les équipes de l’Humanité expriment leurs condoléances et leur amitié à la famille de Jean et à ses proches.

 

(1) Lire notamment chez Atlantica : Mi guerra civil (2005) ; Rouges. Maquis de France et d’Espagne. les guérilleros (2006) ; Guérilleros en Béarn. Étranges « terroristes » étrangers (2007) ; chez la Librairie des territoires : Franco n’est pas mort culo al sol ! (2019). (2) Le Socialisme à la cubaine, avec Georges Fournial (Éditons sociales, 1983) ; Fulgencio Batista et les communistes. Qui a trompé le diable ? (l’Harmattan, 1998) ; Vive le Che ! (Arcane 17, 2017) ; Julio Antonio Mella, l’ange rebelle. Aux origines du communisme cubain (l’Harmattan, 1999). (3) Rouge miroir (2005) ; Le Cri du silence (2007) ; Confidences cubaines (2007) ; Paroles d’anciens (2008) ; Fils de rojo (2009).
La France pleure la mort de Jean Ortiz, un ami de Cuba.

Prensa Latina.cu

La France a déploré aujourd’hui la mort à l’âge de 75 ans du professeur d’université et militant politique Jean Ortiz, qu’elle considère comme un ami de la révolution cubaine.
Jean Ortiz, professeur d’université et militant politique, dont ils se souviennent comme d’un ami de l’île et d’un militant communiste dynamique.
Un ami de l’île et un militant communiste dynamique.

Dans les réseaux sociaux ou dans le dialogue avec Prensa Latina, ils ont souligné la vie engagée dans les causes des peuples latino-américains de ce syndicaliste et écrivain, dont la vie s’est éteinte la veille, sans que l’on puisse parler de mort, en paraphrasant le chanteur vénézuélien Alí Primera.

 

Anti-impérialiste, anticolonialiste et républicain, comme le définissent María Teresa Anton, membre de l’association de solidarité France Cuba, et Virgilio Ponce, résident cubain, qui ont tous deux décrit sa mort comme un coup dur.

Je l’ai connu à La Havane comme correspondant du journal L’Humanité dans les années 1970, toujours très au fait de la situation en Amérique latine, des luttes contre les dictatures et des combats de la révolution cubaine face aux agressions impérialistes", a commenté Mme Anton, ancienne journaliste de l’agence de presse Prensa Latina.

Pour sa part, M. Ponce a souligné la force des idées de Mme Ortiz et sa capacité à attirer l’attention et le respect de ses étudiants et de ses interlocuteurs en général.

Sur son compte Facebook, Maite Pinero, également ancienne correspondante du journal L’Humanité dans les Grandes Antilles, a dédié des mots sincères au créateur du festival CulturAmérica de Pau en 1992, lui signifiant ses profondes convictions.

Caractérisé par son charisme et sa propre pensée critique, combative et guérillera, il défendait ses idées avec courage et une grande argumentation politique, a écrit l’ambassadrice de Cuba en Serbie, Leyde Rodríguez, sur le même réseau social.

 


[1Le Socialisme à la cubaine, avec Georges Fournial (Éditons sociales, 1983) ; Fulgencio Batista et les communistes. Qui a trompé le diable ? (l’Harmattan, 1998) ; Vive le Che ! (Arcane 17, 2017) ; Julio Antonio Mella, l’ange rebelle. Aux origines du communisme cubain (l’Harmattan, 1999)

____________________________

La Dépêche

Le Parti communiste du Bassin pleure l’ancien professeur Jean Ortiz

"C’est avec une immense tristesse que nous apprenons le décès de Jean Ortiz, notre camarade, après une longue maladie", communique la section du bassin decazevillois du Parti communiste français (PCF). Jean Ortiz était bien connu dans le Bassin, où il a enseigné l’espagnol au collège de Cransac, puis au lycée de Decazeville. "J’aime ce Bassin habité d’une mémoire de luttes acharnées", écrira-t-il dans son livre "Rouges vies".

"C’était un grand militant charismatique qui savait rassembler, secrétaire de la section du PCF d’Aubin où il fut candidat malheureux aux élections municipales de 1977. Il le fut sans démériter, seulement 500 voix le séparant de Mazars, socialiste qui avait refusé une liste d’union", complète le PCF dans son communiqué.

Entre autres passage dans le Jura, le Tarn en 1973 où il fut le plus jeune candidat aux législatives, "il n’a eu de cesse de toujours s’élever et manifester contre les injustices, comme en témoigne sa participation active à la lutte antifranquiste. Il devient correspondant de l’Humanité en Amérique latine. Ces années resteront, dit-il, comme les plus fortes et définitoires de sa vie. De retour en France, il s’installe à Pau, et devient maître de conférences à l’université. Il n’hésitait pas à revenir dans le Bassin, à notre demande, pour animer des débats, conférences où participer aux fêtes de section", écrit encore le parti.

"Le deuil le plus douloureux, c’est de renoncer à croire que seul un autre monde peut sauver l’Humanité", est-il inscrit dans le communiqué. "Jean, nous ne renoncerons pas !", affirment les communistes du bassin, avant d’évoquer un poème que Jean Ortiz avait écrit en 2012 en direction de son frère décédé de cette terrible maladie : "Tu guetteras chaque nouvelle aurore, chaque feuille ivre de vent, chaque oiseau épris de ta passion, chaque combat désireux de justice, chaque indignation brûlante de dignité."

"Guette donc Jean, auprès de ton frère retrouvé, ces nouvelles aurores et inspire-nous dans la poursuite de nos combats pour plus de justice", concluent les communistes du Bassin.

Une cérémonie laïque est prévue au crématorium de Pau,

ce mercredi 26 juillet à 15 heures.

 
 
  •  
    Jean Ortiz, ancien candidat communiste aux municipales à Aubin, est décédé./ DR
    Jean Ortiz, ancien candidat communiste aux municipales à Aubin, est décédé./ DR

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
R
A peu près du même âge que Jean et avec le même itinéraire familal je tiens à saluer sa mémoire, ses engagements, sa fidélité à ses idées,... Sincères condoléances à ses amis, ses camarades er sa famille <br /> <br /> CAMARADA ORTIZ, PRESENTE !!!
Répondre