"Le syndicalisme poursuit la coordination des efforts ouvriers, l'accroissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d'améliorations immédiates. (...) Mais cette besogne n'est qu'un côté de l'œuvre du syndicalisme : il prépare l'émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l'expropriation capitaliste."
Charte d'Amiens
Alignée sur le RN, la région Sud retire des subventions à deux films jugés « anti-israéliens »
Publié le
par FSC
Envoi de Catherine de Briançon :
Après une campagne du Rassemblement national, la région présidée par Renaud Muselier (Renaissance) a brutalement retiré ses promesses de subventions à deux films traitant de la question palestinienne, dont l’un est produit par le cinéaste israélien Eyal Sivan.
PourquoiPourquoi la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Sud) a-t-elle finalement refusé de financer le filmVacances en Palestineainsi qu’un film sur des Bédouins chassés de chez eux en Cisjordanie ? Depuis des semaines, la question agite le milieu de la production de cinéma, confronté au mutisme de la région. Beaucoup pointent la pression exercée par le Rassemblement national (RN) dans cette affaire.
Mi-octobre, alors qu’approche la date de la commission d’étude et de travail sur le rayonnement culturel de la région, où les dossiers de subventions de films proposés au vote du Conseil régional sont présentés, le Rassemblement national s’offusque du soutien régional à deux projets. Celui du cinéaste Maxime Lindon intituléVacances en Palestineet celui d’Alaa Ashkar,Les Bédouins d’Al Rachaideh, ont en effet reçu l’avis favorable quelques mois plus tôt de la commission régionale composées de professionnels du secteur en partenariat avec le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).
« Nous avons reçu un courrier daté du 12 juillet nous indiquant que la région répondait favorablement à notre demande de subvention », confirme le producteur et réalisateur Eyal Sivan, qui coproduitVacances en Palestine. Auteur de plusieurs documentaires sur Israël et la Palestine −Jaffa, la mécanique de l’orangeouUn spécialiste, portrait d’un criminel modernecoréalisé avec Rony Brauman −, Eyal Sivan décrit un projet de film qui raconte le l'exil d’un Palestinien venu vivre en France et son militantisme pacifique pour la cause palestinienne.
Pour le RN, pas question de soutenir, après le massacre du 7 octobre perpétré par le Hamas, un film dont le synopsis évoque« l’occupation israélienne»avec un personnage palestinien qualifié de« combattant de la résistance ». Dans un communiqué publié le 18 octobre et titré : « Film de propagande anti-israélien : nous demandons le retrait de la subvention régionale ! », le parti d’extrême droite assure qu’il faut être« clairs et unis face au terrorisme islamiste ».
Des arguments qui révoltent Eyal Sivan, citoyen israélien résidant en France.« C’est un processus de cachérisation du RN sur notre dos. Pour nous qui avons perdu une grande partie de nos familles dans la Shoah, c’est insupportable », fulmine-t-il en rappelant que le parti lepéniste a été cofondé par un ancien Waffen-SS.
Le projet de filmLes Bédouins d’Al Rachaideh, du réalisateur palestinien Alaa Ashkar, dont le précédent filmOn récolte ce que l’on sèmea reçu le prix du meilleur documentaire au festival de Lucania, subit lui-aussi les foudres du RN local.
Silence de la région
L’affaire aurait pu en rester là mais, à la surprise générale, la région Sud décide de retirerin extremisau vote du 26 octobre les deux dossiers visés par le RN. Alors que le vote devait être une formalité, les deux films perdent les subventions promises.
Dans un premier temps, par la voix du conseiller régional Pierre-Paul Léonelli, la région assure qu’il y a eu une erreur interne.« Un dossier de film anti-israélien, présenté par erreur par nos services de la région Sud, a immédiatement été retiré de l’ordre du jour »,indique dans un tweetcelui qui est aussi adjoint de Christian Estrosi à la mairie de Nice.
Son message, relayé et donc validé par le président de la région, Renaud Muselier, se termine par ce commentaire qui s’aligne sur le communiqué du RN :« tolérance zéro pour les pro-terroristes ».
Une accusation infamante pour les réalisateurs visés. Depuis des mois, les demandes d’explications des réalisateurs et des producteurs sont restées lettre morte.« Nous avons envoyé des courriers, passé des coups de téléphone, personne ne nous a répondu », indique Eyal Sivan.
Contactée, la région assume finalement auprès de Mediapart« un choix fait en conscience »et qui, surtout, aurait été pris sans aucun rapport avec la campagne locale menée par le parti d’extrême droite.
« Les circonstances − on est dix jours après le pogrom du 7 octobre − nous ont poussés à retirer ces dossiers de l’ordre du jour », précise l’entourage de Renaud Muselier. Quatre mois plus tard, et alors qu’on déplore plus de 30 000 morts à Gaza, il précise néanmoins qu’il n’y aura pas de subventions pour des films qui traitent de ces sujets-là − la Palestine et les Palestiniens donc −« tant que tous les otages n’auront pas été libérés [par le Hamas] », indique un proche de Renaud Muselier. Le même dénonçant des« formules chocs de nature à mettre de l’huile sur le feu ».
La région assume donc bien la lecture du RN qui considère les expressions« occupation israélienne »et« combattant de la résistance palestinienne »comme, en soi, problématiques. Informé de la nouvelle doctrine de la région Sud, Eyal Sivan s’insurge: « Nous accorder implicitement un pouvoir de faire fléchir le Hamas, je ne sais pas si c’est de la bêtise ou de la pure mauvaise foi. En tout cas on n’a pas à redouter l’arrivée du RN au pouvoir, en Paca : il est déjà au pouvoir ! »