Qu’attend la France pour reconnaître l’État de Palestine ?
Par Francis Wurtz, député honoraire du Parlement européen
L'Humanité du 31 mai 2024
Depuis le début de la guerre, d’une sauvagerie sans précédent, que livre l’armée israélienne à la population, en grande majorité civile, de Gaza, deux pays de l’Union européenne – l’Espagne et l’Irlande – se sont distingués par leur engagement en faveur d’une position de l’UE à l’égard d’Israël qui soit ni plus ni moins que conforme au droit international. Sans succès. Rappelons que les « 27 » avaient, bien entendu, unanimement condamné, en termes très clairs, les massacres et les prises d’otages du Hamas, le 7 octobre 2023. La suite fut, en revanche, très chaotique : la présidente de la Commission se précipita chez Netanyahou sans même mentionner l’exigence de respecter le droit humanitaire ; un commissaire décida sans concertation de couper les aides à… l’Autorité palestinienne (pourtant frontalement opposée au Hamas) avant d’être rappelé à l’ordre par le chef de la diplomatie européenne ; la ministre de la Défense de la République tchèque avait même proposé à son gouvernement de quitter l’ONU, qualifiée d’« organisation qui soutient les terroristes » parce que son Assemblée générale avait appelé à une « trêve humanitaire immédiate », tandis que le chancelier allemand mettait en avant « le droit et même le devoir d’Israël de défendre ses habitants ».
Face à ce spectacle déplorable, qui s’est traduit, à chaque vote aux Nations unies sur cette guerre, par un éclatement de l’UE entre « pour », « contre » et « abstentions », l’Espagne et l’Irlande, rejointes par la Slovénie et Malte, se sont rencontrés en marge d’un sommet à Bruxelles, le 22 mars dernier, pour affirmer ensemble une position claire et juste sur la situation au Proche-Orient. « Nous sommes d’accord pour dire que le seul moyen de parvenir à une paix durable et à la stabilité dans la région est de mettre en œuvre une solution à deux États, israélien et palestinien, vivant côte à côte, dans la paix et la sécurité », ont-ils souligné, en annonçant leur décision de reconnaître l’État de Palestine.
Pour quelle raison la France n’en fait-elle pas autant, elle qui fut, dans le passé, le fer de lance de la solidarité avec le peuple palestinien en Europe ? Serait-ce parce qu’« aucune grande puissance occidentale ou membre du G7 ne l’a fait » («le Monde ») ? Aujourd’hui que l’Espagne, l’Irlande et la Norvège (non membre de l’UE) ont franchi le pas et que la Slovénie et Malte s’apprêtent à faire de même, la France est dans le carré de queue de la communauté internationale (aux côtés des États-Unis, du Canada, du Japon, de l’Australie, de la Grande-Bretagne et de la majorité des membres de l’UE) sur ce dossier ô combien emblématique !
Alors que « la solution à deux États » (qui n’a officiellement jamais cessé d’être la position de Paris) fait son retour sur le devant de la scène internationale, alors que l’Assemblée générale de l’ONU vient de constater (à 143 voix pour – dont la France ! – contre 9 et 25 abstentions) que « l’État de Palestine remplit les conditions requises pour devenir membre » de l’ONU et « devrait donc être admis à l’Organisation » ; et alors que le procureur de la Cour pénale internationale a déposé des requêtes aux fins de délivrance de mandats d’arrêts « concernant l’État de Palestine », la France privilégie son allégeance à la « famille occidentale » sur sa fidélité à la cause d’une paix juste et durable au Proche Orient, qui passe aujourd’hui par un engagement concret, fort et immédiat pour un État palestinien. Ce « Jupiter » est décidément petit.