CENSURE et REPRESSION macroniennes !

Publié le par FSC

Clément Le Foll
Médiapart du 14 juillet 2024

 

 

Alors que la flamme olympique est arrivée dimanche 14 juillet à Paris, son tour de France a été émaillé par des interdictions de manifester, des banderoles confisquées et des gardes à vue. Une inquiétude pour les citoyens concernés.


Ils sont une quinzaine à s’être donné rendez-vous ce vendredi 12 mai dans une petite rue à proximité de la Cité du livre d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Dans leurs sacs, les militant·es de la campagne Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS) se partagent des drapeaux palestiniens, des tracts est une banderole sur laquelle est inscrit : « Le génocide n’est pas un sport olympique ». À quelques centaines de mètres de là, la flamme olympique commence à sillonner les rues de la ville. Alors que le collectif s’apprête à rejoindre le quartier des Allées provençales pour déployer son message, son parcours est interrompu.


« Deux policiers en civil ont contrôlé notre identité, confisqué tout notre matériel. Ils nous ont juste autorisés à garder nos keffiehs, mais spécifié que nous n’avions pas le droit de les agiter, ni de manifester ou de pousser des cris », rembobine Juliette, animatrice du groupe. Pour protester contre ce qu’ils estiment être une atteinte à leur liberté d’expression, les membres de BDS décident symboliquement de mettre leur main devant la bouche lors du passage de la flamme aux Allées provençales.


Leur cas n’est pas isolé. À Arles, Angers ou Laval, celles et ceux qui ont, comme le collectif BDS, voulu exprimer une revendication, ont vu leur message confisqué ou le rassemblement interdit. « On a l’impression que le passage de la flamme dessine une France liberticide, observe le professeur de droit public Serge Slama. Il s’accompagne d’interdictions de manifester. On peut le comprendre pour le maintien de l’ordre aux alentours de la flamme, moins à l’échelle de toute une ville comme c’est parfois le cas. C’est un principe de précaution qu’on a vu se développer depuis l’État d’urgence de 2015 et qui se perpétue : la préfecture ouvre le parapluie et publie un arrêté le plus large possible. »
Pour l’État, ces interdictions se justifient par la nécessité d’éviter tout trouble à l’ordre public. Dès le 14 mai, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin indiquait que 32 actions en lien avec le parcours de la flamme avaient été déjouées. « Il ne s’agit pas d’attentats ou d’actes criminels, mais de contestation pour diverses raisons », avait-il précisé en conférence de presse. Sollicité par Mediapart, le ministère de l’intérieur n’a pas répondu à notre demande sur le nombre d’« actions déjouées » aujourd’hui ni sur leur caractère.
Cette notion d’« action » au sens large, sans en préciser la nature, inquiète l’avocat Raphael Balloul : « Cela apparaît disproportionné par rapport aux enjeux de l’événement. Toute expression est par avance interdite, quel que soit son mode d’expression, y compris quand elle peut être pacifiste. C’est quand même problématique qu’on ne puisse admettre des modes de protestation. »

Des messages de soutien à la Palestine sous haute surveillance


Pour Juliette, la confiscation du matériel du collectif le 12 mai à Aix-en-Provence n’a rien d’étonnant dans le contexte actuel. « Depuis le 7 octobre, toute manifestation ou message en soutien à la Palestine ou évoquant le génocide en cours à Gaza a tendance à être interdite. » Plusieurs militant·es ont connu des situations équivalentes lors du passage de la flamme olympique dans leur ville.


Membre de l’association France Palestine solidarité dans les Alpes-de-Haute-Provence, Christian Salmon et quatre de ses camarades ont voulu marquer le coup lors de son passage par Forcalquier, en déployant « une banderole questionnant la participation d’Israël aux JO dans un contexte de génocide à Gaza ». Mais leur action a été empêchée par les forces de l’ordre présentes sur place bien avant l’arrivée de la flamme.


« Nous avons été emmenés dans une rue adjacente pour être contrôlés. Nous étions filmés et notre matériel a été confisqué, commence Christian qui, malgré cet échec, s’est rapproché du circuit et a tenté de déployer un drapeau palestinien lors du passage de la délégation olympique. Juste avant que je le sorte, un policier m’a attrapé le poignet. Je n’ai pas résisté. Ensuite, plusieurs policiers nous ont encadrés pendant plusieurs minutes. Nous avons été autorisés à partir plus de trente minutes après le passage de la flamme. »


À Laval (Mayenne), pour avoir également tenté de brandir un drapeau palestinien, Jean-Luc Bansard a lui passé plus d’une heure au commissariat. « C’est assez marquant de mettre en relation mon acte et les robocops caméra au ventre qui me sont tombés dessus, confie-t-il. Ils m’auraient tapé sur l’épaule, dit : “Baissez votre drapeau”, et c’était OK. » Il en est ressorti avec une amende de 135 euros pour participation à une manifestation interdite sur la voie publique.


En amont du passage de la flamme olympique, la préfecture de la Mayenne avait en effet pris un arrêté pour interdire toute manifestation. Jean-Luc Bansard a décidé de contester cette amende. « Je ne vois pas en quoi vouloir brandir un drapeau constitue une manifestation. C’est simplement une personne seule qui s’exprime », estime son avocate Marion Ogier.

« Exclusion, discrimination, quartiers ghettos, quartiers abandonnés = racisme social »


Les messages de soutien à la Palestine n’ont pas été les seuls à être dans le giron de la préfecture. À Arles (Bouches-du-Rhône), le collectif Barriol en colère souhaitait profiter du passage de la flamme dans la ville pour alerter sur l’abandon du quartier éponyme. Le 10 mai, le collectif poste sur ces réseaux sociaux un appel à une manifestation pacifiste. Ses membres passent les heures suivantes à confectionner banderoles et pancartes. Les revendications sont diverses, les slogans tranchants : « Des médiathèques aussi dans nos quartiers » ; « Exclusion, discrimination, quartiers ghettos, quartiers abandonnés = racisme social » ; « De l’argent pour la flamme et la misère dans nos quartiers ».


Le 12 mai, les membres du collectif se rendent au quai des Platanes, à quelques dizaines de mètres du départ de la flamme, pour exhiber leurs messages. Mais les forces de l’ordre sur place leur auraient expliqué que la préfecture des Bouches-du-Rhône avait pris un arrêté d’interdiction de manifester. « Nous avions échangé avec des policiers les jours précédents et ils nous avaient dit que notre rassemblement pouvait avoir lieu », souffle un membre du collectif interrogé par Mediapart.


« Nos écoles sont en souffrance, nos équipements sportifs également, la jeunesse est abandonnée, poursuit ce membre du collectif. Nous nous battons depuis un an contre l’injustice sociale, afin que les enfants puissent être chauffés correctement. Nous constatons, à notre grand regret, que le passage de la flamme est éminemment plus important que le sort réservé aux enfants et aux familles de ce quartier. Malheureusement, cette municipalité a décidé de rester sourde face aux besoins de la population. »


À Angers (Maine-et-Loire), c’est un rassemblement des syndicats des agent·es de la ville pour une revalorisation de leurs conditions salariales qui n’a pas pu se tenir selon les conditions initiales. Prévu de 12 heures à 14 heures, il avait été déclaré hors délai par la préfecture, qui a interdit toute manifestation entre 14 heures et 17 heures.


Le professeur de droit public Serge Slama dresse un parallèle entre ces différents messages censurés et rassemblements interdits, et les rencontres de football internationales, qui se sont au fil du temps aseptisées. « Cela me fait penser aux compétitions organisées par l’UEFA, où l’on ne peut plus afficher de message politique ou de solidarité dans le stade. Derrière cette vision de la sécurisation de la flamme olympique, il y a cette idée que les événements publics ne peuvent plus être perturbés. Une sorte de société du spectacle dans laquelle les rues de nos villes sont une zone de neutralité, une bulle autour du passage de la flamme. »
 

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