NÉOLIBÉRALISME À TOUS LES ÉTAGES : L’EXEMPLE DES CENTRES DE SANTÉ – Par le Docteur Christophe Prudhomme
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Alors que les centres de santé sont de plus en plus mis en avant comme une solution d’avenir pour réorganiser la médecine de ville, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) commandé par une éphémère ministre de la Santé vient d’être publié, dont le thème est l’évaluation du modèle économique des centres de santé pluriprofessionnels. La raison de ce rapport est la situation financière précaire de ces structures qui, comme le soulignent leurs représentants, sont très défavorisées en termes de financement par rapport à la médecine libérale. Ils pointent le fait que la rémunération à l’acte leur est très défavorable, avec un mécanisme qui ne prend pas réellement en compte les frais de structures où les professionnels de santé sont salariés, avec une prise en charge intégrale du tiers payant qui supprime toute avance de frais pour les patients. Ainsi, alors que leurs charges ont augmenté de 82 % depuis 2016, leurs recettes composées majoritairement d’honoraires payés par la Sécu n’ont augmenté que de 6,4 %. Par contre, la médecine libérale bénéficie de plus en plus d’avantages qui ne sont pas du même niveau pour les centres de santé. Ainsi, chaque médecin généraliste en ville bénéficie d’une prise en charge partielle de ses cotisations sociales à hauteur de 15 000 euros par an. Il peut également bénéficier de 40 000 euros par an pour embaucher un assistant médical. Il aurait donc été intéressant que le rapport de l’IGAS souligne ces faits et avance des propositions pour que la Sécu améliore le financement des centres de santé. Ce n’est pas le cas et les préconisations semblent sorties d’un rapport qui aurait été rédigé par un cabinet de consultant, comme McKinsey, cher à E. Macron et à certains des directeurs de la Sécu qu’il a nommés et qui sont justement passés par ces cabinets.
Le rapport souligne que la « productivité des médecins » doit être améliorée. Cela signifie qu’il ne faut plus qu’ils prennent le temps nécessaire pour chaque patient mais qu’ils enchaînent les consultations au même rythme que les libéraux poussés par la nécessité de multiplier les consultations pour maintenir leur « chiffre d’affaires ». Ainsi, alors que le principal reproche fait aujourd’hui par les patients est justement que la durée des consultations est trop courte pour pouvoir réellement expliquer son problème au médecin, être examiné et conseillé sur le traitement le plus adapté.
La rédaction de cette partie du rapport fleure bon le langage néolibéral, je cite : « Le suivi de la production des actes est nécessaire pour s’assurer d’une production suffisante pour couvrir les charges ». Une autre préconisation scandaleuse est que certains médecins pratiquent des dépassements d’honoraires alors que, justement, un des principes des centres de santé est que les médecins sont salariés et ne pratiquent pas de dépassements. Il y a donc urgence à ce que ces administrations retrouvent des fonctionnaires ayant le sens du service public et de stopper le recrutement de contractuels biberonnés dans les cabinets de conseil.
Docteur Christophe Prudhomme
Médecin urgentiste- Syndicaliste