Plus d’un million de personnes ont rendu un dernier hommage à H.Nasrallah

Publié le par FSC

Pierre Barbancey
L'Humanité du 23 février 2025

 

Près de 1,4 million de personnes ont assisté aux funérailles de l'ancien chef du Hezbollah, le 23 février, à Beyrouth.© Nicolas Cleuet/Pictorium

 

« Vos missiles ne nous ont pas effrayés et le bruit de vos avions non plus » : aux funérailles d'Hassan Nasrallah, le Hezbollah veut poursuivre la résistance

 

Plus d’un million de personnes ont rendu un dernier hommage au secrétaire général du mouvement chiite assassiné par Israël le 27 septembre. Moment de colère, de détermination à poursuivre la résistance alors que l’armée de Netanyahou ne s’est toujours pas retirée du sud du pays.
Ahmed Al Naim, 38 ans, a quitté son village d’Antara, dans le Sud, samedi 22 février au petit matin pour se rendre dans la capitale libanaise. Il n’aurait manqué pour rien au monde les funérailles du « sayyed Hassan Nasrallah », comme il l’appelle avec respect.


Peu importe le froid et la pluie, la nuit passée dehors à attendre près de la cité sportive, le stade Camille-Chamoun et ses 50 000 places. « Je suis là pour accueillir le corps du secrétaire général », raconte cet ouvrier agricole, vêtu simplement, les yeux emplis de tristesse. « Il représentait l’âme du djihad, l’âme de la vie », soutient-il. Il veut croire qu’Hassan Nasrallah « continuera à veiller sur nous si nous continuons son combat. C’est ce que nous allons faire ».
Personnalité charismatique, à la tête de l’organisation chiite depuis 1992, Hassan Nasrallah a été assassiné par Israël le 27 septembre. 85 bombes d’environ une tonne ont été larguées dans le quartier d’Haret Hreik, une zone densément peuplée, dans la banlieue sud de Beyrouth.


Plusieurs immeubles proches ou au-dessus du quartier général du Hezbollah ont été détruits ce soir-là. Les Beyrouthins en parlent encore comme une nuit d’apocalypse. Le 3 octobre, Hachem Safieddine, qui venait d’être nommé à la tête de l’organisation, a lui aussi été tué.

Si Benyamin Netanyahou pensait en finir avec toute résistance en décapitant ce parti, des centaines de milliers de Libanais sont venus lui apporter un démenti cinglant, ce dimanche 23 février.

Avions de chasse israéliens


À l’instar d’Ahmed Al Naim. Son village a été bombardé à plusieurs reprises par l’aviation israélienne, en septembre et en octobre. « Mais les Israéliens sont revenus après le cessez-le-feu du 27 novembre et ont encore brûlé nos habitations et même une mosquée. » Alors, comme il l’explique, « continuer le combat de sayyed Nasrallah, c’est lutter pour notre propre existence, l’ennemi est là depuis des décennies ». Oussama Gharib, 42 ans, est arrivée de Tyr, la ville côtière du Sud. Elle parle elle aussi de sa maison qui n’est plus que ruines, de son frère tué avec son épouse et ses trois enfants. « C’est Israël qui tue des innocents. Personne ne nous protégeait à part Nasrallah. » Et d’ajouter : « Rien ne peut me guérir à part le retour du sayyed. »


Dimanche matin, aux premières heures de la journée, les gradins étaient déjà pleins et la jauge pulvérisée. Un océan humain sur lequel s’agitent comme une vague des milliers de drapeaux du Hezbollah (littéralement, le Parti de Dieu), dont le nom est inscrit de façon stylisée en caractères coufiques. À côté de la première lettre du mot « Allah », on peut voir une main qui se tend pour saisir une kalachnikov.


Hommes d’un côté, femmes de l’autre, la même ferveur est perceptible, la même émotion, tous brandissant des portraits des deux dirigeants assassinés. Hala, 37 ans, capuche sur la tête, venue de Dahiyé (là où se trouve Haret Hreik justement) avec ses enfants, parle de celui qui « représentait tout, la ligne de justice, la voie correcte à suivre pour la défense des plus faibles ». Elle précise d’ailleurs que, pour elle, « ce n’est pas une question de parti politique. Ça va bien au-delà. Tous ceux qui ont de l’humanité pensent comme moi ».


Certains veulent voir un signe divin dans le retour du soleil, brisant la grisaille de ces derniers jours. Les portraits géants d’Hassan Nasrallah et Hachem Safieddine, disposés en décor de scène, n’en ont que plus d’éclat. Les deux hommes, sourire aux lèvres, les yeux tournés vers le ciel, semblent présents lorsque plusieurs poètes viennent à la tribune déclamer des vers. Le silence impressionnant qui les accompagne est brisé peu après par quatre avions de chasse israéliens qui survolent la zone à basse altitude, pure provocation de Netanyahou. « Allah Akbar ! Vos missiles ne nous ont pas effrayés et le bruit de vos avions non plus », lance l’orateur sur la scène centrale. Un rugissement surgit de la foule en colère.


Sur X, l’armée israélienne a écrit : « Aujourd’hui a lieu l’enterrement d’Hassan Nasrallah. Aujourd’hui, le monde est meilleur. » Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a commenté ce survol de Beyrouth pendant les funérailles de Nasrallah en ces termes : ces avions « envoient un message clair : quiconque menace de détruire Israël et l’attaque connaîtra cette fin ». Il se pourrait, selon des sources israéliennes, que certains de ces appareils aient participé au bombardement du QG du Hezbollah, où se trouvait Hassan Nasrallah, le 27 septembre. Peu avant les funérailles, des raids israéliens ont visé le sud et l’est du Liban, malgré le cessez-le-feu en vigueur. En réponse, un slogan monte des tribunes : « Mort à Israël, mort à l’Amérique. »

Un discours depuis un lieu tenu secret


Le président du Parlement, Nabih Berri, chef du mouvement chiite Amal, est présent. Il représente les institutions, ce qui a évité au nouveau président, Joseph Aoun, de se rendre à la cité sportive. Des délégations étrangères venues de 70 pays ont également fait le déplacement. Parmi celles-ci, l’Iran est représenté par le président du Parlement, Mohammad Bagher Ghalibaf, et le ministre des Affaires étrangères, Abbas Araghchi. « Malgré les attaques contre le Yémen, l’embargo, nous sommes là pour être fidèles au sayyed Nasrallah, ce qu’il représentait pour les musulmans et les Palestiniens, pour le droit à se libérer », certifie à l’Humanité Amjad, un Houthi en tenue traditionnelle. Hadj Abou Bilal représente le Kataëb Sayyed Chouhada d’Irak. « Hassan Nasrallah était le pilier de la résistance ».


L’arrivée des deux cercueils dans l’enceinte sportive est un véritable choc. Femmes et hommes pleurent, crient « Labayka Nasrallah » (en français : « à tes ordres Nasrallah »), hurlent même leur peine jusqu’au malaise pour certains. Ils lancent leurs foulards vers les catafalques placés sur un véhicule pour faire le tour du stade. Des membres du Hezbollah les frottent contre le turban noir du sayyed posé là, comme une bénédiction, avant de leur rendre.


Le Hezbollah a préféré prendre toutes les précautions de sécurité. Le nouveau secrétaire général, Naïm Qassem, n’apparaît pas en personne. Il a prononcé en direct son discours depuis un lieu tenu secret, diffusé dans le stade et sur tous les écrans disposés dans la banlieue sud de la capitale. « Nous avons ouvert le front de soutien avec Gaza, mais les Israéliens avaient planifié la guerre contre nous après quatre jours seulement, et derrière l’Israélien, le tyran américain qui a voulu affronter toute la résistance », lance-t-il.


Il a un message pour ceux qu’il appelle les « souverainistes » libanais. « Réveillez-vous, vous ne dites rien sur Israël ou sur les États-Unis, est-ce de la souveraineté ? » Il affirme néanmoins : « La résistance est essentielle et reste notre droit tant que l’occupation persiste et nous décidons comment l’exercer. Nous allons donner sa chance à la diplomatie, ensuite nous aviserons. La Palestine est un droit et nous sommes contre le plan de Trump pour le Moyen-Orient. Nous allons lui faire face. Nous allons participer à la création d’un État libanais fort sous Taëf (accord interlibanais ayant mis fin à la guerre civile en 1989 – NDLR), avec pour principaux piliers la fin de l’occupation, la reconstruction et la mise en place d’un plan de sauvetage économique. » Pour bien se faire comprendre sur les intentions politiques de son parti et éviter toute marginalisation, il précise : « Et nous croyons dans la force de l’armée, il n’y a pas de gagnant ni de perdant au Liban. »


La foule prie alors en silence, à la mémoire d’Hassan Nasrallah et Hachem Safieddine, dans et autour de la cité sportive. Les médias libanais parlent de 1,4 million de personnes. Le cercueil du sayyed est ensuite transporté jusqu’au mausolée dressé sur la route de l’aéroport. Il est protégé par une structure de plastique transparent. Des combattants encagoulés entourent le convoi, suivi par une foule immense, compacte. Hachem Safieddine sera, lui, enterré dans son village natal de Deir Qanoun el-Nahr, au Liban du Sud. La chaîne d’information Al-Manar, appartenant au Hezbollah, a rapporté qu’une bouteille « contenant de la terre de Palestine » sera enterrée avec le corps d’Hassan Nasrallah.
 

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