Cisjordanie : "On est passé sur des modes opératoires d'occupation, de destruction qui rappellent Gaza"
TV 5 Monde
Depuis un mois, Israël a expulsé plus de 40 000 habitants des camps de réfugiés de Cisjordanie, du jamais vu depuis l'occupation de la région en 1967. Depuis le début de la guerre à Gaza, et en particulier depuis le cessez-le-feu, la violence s'intensifie dans cette zone occupée de Palestine. Jean-Francois Corty, président de Médecins Du Monde, revient sur cette accélération du conflit.

TV5Monde : Pouvez-vous décrire ce que vous observez actuellement en Cisjordanie ?
Entretien
Jean-Francois Corty, président de l’ONG Médecins du monde et chercheur associé à l’IRIS : Depuis le cessez-le-feu du 19 janvier à Gaza, on observe une montée en puissance de la violence israélienne en Cisjordanie, avec des modalités opératoires qu'on n'avait pas vues depuis 20 ans. On a noté la présence de chars, notamment dans les camps de réfugiés de Jénine, des bombardements aériens, des tactiques de sièges, des destructions massives de structures essentielles, etc. 44 Palestiniens sont morts et environ 45 000 personnes, venant des camps de plusieurs villes, ont été déplacées en peu de temps.
Il y a aussi une accélération de la dégradation des conditions de vie, de l'accès à différents droits et aux soins des populations qui vivent en Cisjordanie, où il y a déjà une colonisation active depuis 1967. On a noté une augmentation des checkpoints, qui va avec la réduction de la possibilité d’accéder à des centres de santé ou à des hôpitaux. Celui de Jénine a par exemple été encerclé.
Les autorités israéliennes ont annoncé interdire le retour des habitants des camps expulsés. On est sur des pratiques d'expulsion massive, de destruction de lieux de vie, totalement en rupture avec le droit international et le droit international humanitaire. Et rien ne dit qu'il ne va pas y avoir d'autres expulsions.
Les intentions politiques d'annexion ne sont pas remises en question par les acteurs israéliens ni contestées plus que ça par leurs différents partenaires.
TV5Monde : Comment la situation a-t-elle évolué en Cisjordanie depuis le début de la guerre à Gaza, en octobre 2023 ?
Jean-Francois Corty : Environ 900 Palestiniens sont morts depuis 15 mois. Les Nations Unies ont documenté que 2024 avait été l’une des années les plus violentes à l’encontre des Palestiniens en Cisjordanie depuis longtemps, du fait de l’armée israélienne et des pratiques des colons. On assiste en effet à une accélération de l’occupation militaire, accompagnée par les violences de la part de colons. En 2024, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a aussi rappelé que l’annexion de la Cisjordanie était en rupture avec le droit international.
La situation se dégrade donc et la colonisation reste très active. Les annonces des acteurs israéliens et leur mode opératoire sont de plus en plus violents en Cisjordanie. Les intentions politiques d'annexion ne sont pas remises en question par ces acteurs ni contestées plus que ça par leurs différents partenaires. La capacité interventionnelle des ONG est aussi mise à mal régulièrement.
Un rapport de l’Ocha (le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, NDLR) a noté que près de 70% des infrastructures médicales ne fonctionnent pas plus de trois jours par semaine. Les entraves à l'accès aux soins s’accélèrent avec les différents mécanismes de siège, de checkpoints, d'expulsions massives, d'encerclements.
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