Israël : après avoir limogé le chef du Shin Bet, Netanyahou vise la Justice et continue sa fuite en avant autoritaire
Benjamin König
L'Humanité du 23 mars 2025
L'opposition appelle à la grève générale si le chef du Shin Bet est effectivement débarqué de ses fonctions.© Â' Nir Alon/ZUMA Press Wire |
Le premier ministre s’attaque à tout ce qui peut entraver son pouvoir. Désormais, la justice et la Cour suprême sont menacées. Ce qui restait de démocratie en Israël est en passe d’être englouti par le gouvernement génocidaire.
Une attaque frontale contre la justice. Des dizaines de milliers de manifestants partout dans le pays. Une menace de grève générale lancée par Yaïr Lapid, principale figure de l’opposition. Et un affrontement avec les procureurs, derniers garants des lois. Israël vit des heures décisives avec une crise politique d’ampleur, au moment même où le premier ministre a relancé le carnage à Gaza.
Ce dimanche, c’était au tour de la procureure générale, Gali Baharav-Miara, d’être dans le viseur du gouvernement de Benyamin Netanyahou, qui a approuvé une motion de censure, première étape vers une destitution. Simplement pour avoir rappelé à la loi le premier ministre, après le renvoi le 21 mars de Ronen Bar, le chef du Shin Bet, le service de renseignements intérieurs. Une décision suspendue vendredi par la Cour suprême, garante des institutions, et que Benyamin Netanyahou voulait déjà supprimer avant les attaques du Hamas le 7 octobre 2023.
Dans une lettre, tous les procureurs du pays dénoncent une « atteinte à l’État de droit »
Convoquée à la réunion du cabinet gouvernemental prévue ce dimanche pour statuer sur une motion de censure à son encontre, Gali Baharav-Miara a refusé de s’y rendre. Elle est soutenue par tous les procureurs du pays, qui ont publié une lettre de soutien, condamnant une « atteinte à l’État de droit ». Une ancienne procureure de la Cour suprême, Ayala Procaccia, a accusé directement le gouvernement : « Israël n’est plus une démocratie libre, mais un autre régime (…) dans lequel il n’y a pas d’État de droit ni de véritable liberté. »
Cette escalade fait suite au renvoi de Ronen Bar, le chef du Shin Bet, à cause de deux enquêtes lancées par ses services. La première sur les attaques terroristes du 7 octobre 2023 et les défaillances de l’armée et des services de sécurité. Et surtout la deuxième, qui vise directement des collaborateurs de Netanyahou et leurs liens avec le Qatar, y compris financiers.
De son côté, le principal chef de l’opposition, Yaïr Lapid, a appelé à une grève générale dans le cas où le premier ministre ne tiendrait pas compte de l’avis de la Cour suprême. « Si le gouvernement du 7 octobre décide de ne pas obéir à la décision de la Cour, il deviendra ce jour-là un gouvernement hors la loi », a-t-il clamé lors de la manifestation organisée à Tel-Aviv samedi.
Si Benyamin Netanyahou se lance ainsi dans une telle course autoritaire, c’est que son maintien au pouvoir est en jeu. Le 19 mars, son discours a ainsi pris un tournant complotiste : « Lorsqu’un dirigeant de droite forte remporte une élection, l’État profond de gauche arme le système judiciaire pour contrecarrer la volonté du peuple », a-t-il déclaré, reprenant quasiment mot pour mot les théories conspirationnistes de son allié Donald Trump.
Mais une éventuelle chute de Netanyahou reste très hypothétique, d’autant que le retour au gouvernement du ministre d’extrême droite Itamar Ben Gvir a permis de renforcer son assise politique, notamment à la Knesset. Le ministre de la Sécurité et patron du parti Force juive s’est réjoui de la reprise du carnage à Gaza : il avait quitté le gouvernement en raison de l’accord de cessez-le-feu, qu’il qualifiait de « scandaleux ».