À l’Assemblée Nationale, le groupe d’amitié France-Palestine privé de voyage sur place

Publié le par FSC

 

       Marc Fesneau, président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, et Richard Ramos, député du MoDem et président du groupe d’amitié France-Palestine. © Photos Xose Bouzas et Magali Cohen / Hans Lucas via AFP
Arguant de la situation instable à Gaza, le groupe MoDem a préféré donner la priorité à un déplacement du groupe d’amitié avec le Vatican. Une décision incompréhensible au regard du drame en cours, s’alarment les membres de l’instance.
IlsIls pensaient enfin pouvoir partir là-bas. Montrer que les parlementaires français se mobilisent contre les massacres et la famine en cours à Gaza. Mais cette année non plus, les membres du groupe d’amitié France-Palestine de l’Assemblée nationale n’iront pas en Palestine. Ainsi en a décidé la direction du groupe MoDem, qui a jugé que le voyage initialement prévu n’était plus prioritaire. À la place, ce sont les membres du groupe d’amitié avec le Vatican qui devraient partir à Rome, tous frais payés par le Palais-Bourbon.
La rétrogradation de la liste « principale » à la liste « complémentaire » du programme des missions et réceptions des groupes d’amitiés a été actée par le bureau de l’Assemblée le 12 mars – soit bien avant la mort du pape François intervenue un mois plus tard –, lors d’une réunion où chaque groupe politique présentait ses priorités pour les prochaines missions.
Alors que la Palestine avait été inscrite sur la liste dite « principale » en 2024, avant la dissolution, le MoDem a finalement décidé de l’en enlever afin d’y inscrire les groupes d’amitié avec le Vatican et la Norvège.
Cette décision a aussitôt déclenché la colère des députés concernés. « J’ai été affecté de la décision du groupe MoDem d’opérer un tel changement, car vu la situation internationale, un voyage en Palestine aurait dû être considéré comme prioritaire », confie à Mediapart le député Richard Ramos, qui préside le groupe d’amitié France-Palestine et siège pourtant précisément au sein du groupe MoDem à l’Assemblée.
« Il y a une brutalité symbolique de rétrograder un déplacement des députés français en “voyage complémentaire” en pleine accélération du processus génocidaire », déplore également la députée communiste Elsa Faucillon, vice-présidente du groupe d’amitié, estimant que « cela raconte aussi quelque chose sur le fait qu’il serait inutile de partir à la rencontre des autorités ou associatifs palestiniens ». « Comme s’il ne pouvait pas s’y dire des choses intéressantes », ajoute-t-elle.

Saint-Siège versus Palestine
La pilule a d’autant plus de mal à passer que, lors de la première réunion du groupe d’amitié France-Palestine le 24 janvier, Richard Ramos s’était montré confiant, assurant aux membres de l’instance qu’un déplacement au mois de juin était en cours de préparation.
Comment expliquer ce changement de pied ? Contacté par Mediapart, l’entourage de Marc Fesneau, président du groupe MoDem à l’Assemblée, avance « qu’il lui paraissait plus pertinent d’attendre de voir comment la situation allait évoluer à Gaza avant d’entreprendre un tel voyage ». Le dernier échange avec le Vatican datant, comme celui avec la Palestine, de 2019, « les deux options se posaient avec la même légitimité », précise-t-on.
Il y a six ans, une demi-douzaine de députés du groupe France-Palestine étaient en effet partis en délégation sur place : ils avaient rencontré le consul général de France à Jérusalem, visité le camp d’Aïda, s’étaient rendus dans la bande de Gaza ou à Ramallah, et s’étaient entretenus avec des membres de l’Autorité palestinienne, ainsi qu’avec des humanitaires ou des personnalités issues de la société civile. Devront-ils désormais attendre 2027, voire plus longtemps encore, avant de pouvoir renouveler cette mission ?
Du côté de Marc Fesneau, on tente de rassurer les soutiens à la cause palestinienne. « Ce n’est pas une liste figée dans le temps, ce sont des pré-choix et rien n’empêche de pouvoir faire des modifications dès cette année, comme en 2026, voire de faire les deux [voyages au Vatican et en Palestine – ndlr] », avance son entourage, qui souligne que le président du groupe MoDem a une « une sensibilité particulière sur le sujet ».
Marc Fesneau avait reçu en décembre 2024 l’ambassadrice de Palestine en France, Hala Abou Hassira, au Palais-Bourbon, et assurait partager, le 10 avril, la position du président de la République sur la reconnaissance par la France d’un État palestinien. « C’est notre groupe, et singulièrement son président, qui a demandé et obtenu la présidence du groupe d’amitié Palestine, parce que c’est un sujet qui nous préoccupe, ajoute l’équipe du patron des députés MoDem. Nos choix de QAG [questions au gouvernement – ndlr] le montrent également. »
Selon le décompte de l’Assemblée, depuis le 7 octobre 2023, seules trois QAG ont pourtant été posées par le groupe centriste sur la guerre au Proche-Orient. Les deux premières – l’une au lendemain de l’attaque terroriste du Hamas ; l’autre, un an plus tard, au moment des commémorations – portaient sur le drame en Israël. Il aura fallu attendre le 6 mai, et une question posée par Richard Ramos, pour que le MoDem évoque spécifiquement la situation à Gaza et le « plan macabre » de Benyamin Nétanyahou.

Pauline Graulle
Médiapart du 16 mai 2025
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article