Qui se cache derrière la Fondation pour Gaza, l’ONG qu’Israël voit d’un bon œil ?
Benjamin König
L'Humanité du 16 mai 2025
Créée en février dernier, la Fondation humanitaire pour Gaza se dit prête à livrer 300 millions de repas aux Gazaouis en quelques semaines. Mais ses objectifs, ses plans et ses dirigeants semblent plutôt indiquer qu’elle n’est qu’un faux nez des États-Unis et d’Israël pour appliquer le plan de contrôle total sur Gaza.
C’est une Organisation non gouvernementale qui ne semble pas vraiment l’être. Précisément car la Fondation humanitaire de Gaza (GHF en anglais), créée de toutes pièces en février dernier et dont le siège est enregistré à Genève, semble être le faux nez du gouvernement états-unien. Celui-ci lui a apporté son soutien officiel la semaine dernière, de même l’ambassadeur américain en Israël, Mike Huckabee, selon le New York Times. Au reste, le site The Times of Israël, proche des autorités du pays, ne s’embarrasse pas, évoquant une ONG « créée et soutenue par les États-Unis », « en étroite coordination avec Israël ».
Ce 14 mai, la GHF a annoncé vouloir distribuer 300 millions de repas aux Gazaouis sur une période de 90 jours, et ce dès la fin de ce mois, alors même que les habitants de la bande de Gaza sont soumis depuis début mars à un blocus total de toute aide alimentaire par le gouvernement israélien. Depuis quelques jours, la famine touche des pans entiers de la population gazaouie.
Or, selon la GHF, Tel-Aviv a accepté d’autoriser l’acheminement de l’aide humanitaire pour ses opérations, grâce « à des discussions avec des responsables israéliens visant à permettre l’acheminement d’une aide transitoire à Gaza dans le cadre des mécanismes existants pendant que la construction des sites de distribution sécurisés de la GHF est achevée », écrit l’organisation dans un communiqué. Ce que ce même gouvernement israélien refuse pourtant obstinément, comme l’a rappelé le ministre de la défense Israël Katz, pour toutes les autres ONG et même les Nations unies, prenant prétexte que le Hamas pourrait en tirer profit.
Le plan de GHF demeure flou
L’idée semble donc bien de contourner les ONG déjà présentes et l’ONU, régulièrement ciblées par Benyamin Netanyahou et son gouvernement, car elles constituent des témoins gênants de sa politique génocidaire. Les Nations unies, dont l’agence pour les réfugiés palestiniens, l’Unwra, est dans le viseur de Tel-Aviv, a dénoncé le projet de la Fondation humanitaire de Gaza.
« J’ai dit clairement que nous participons aux opérations d’aide en accord avec nos principes de base. Comme nous l’avons dit de façon répétée, ce plan de distribution n’est pas en accord avec nos principes de base, y compris ceux d’impartialité, de neutralité et d’indépendance, et nous ne participerons pas à ça », a déclaré Fahan Haq, porte-parole adjoint du secrétaire général de l’ONU. « L’ONU a un plan, un plan excellent prêt à être appliqué dès que l’on nous permettra de faire notre travail », a insisté Farhan Haq, rappelant que les camions chargés de 171 000 tonnes de nourriture attendent de pouvoir entrer dans le territoire, toujours bloqués par l’armée israélienne.
D’autant que sur le terrain, le plan de GHF semble plus que flou : il implique l’ouverture de quatre grands centres de distribution, tous situés dans le sud de la bande de Gaza. Sans que rien ne soit prévu dans l’immédiat pour acheminer l’aide vers l’ensemble des populations du territoire.
De plus, le plan de GHF envisage que les colis « pré-emballés » soient livrés « à travers des corridors contrôlés de près, surveillés en temps réel », ce que l’ONU a critiqué vertement. « Il est dangereux de demander aux civils de se rendre dans des zones militarisées pour récupérer des rations… L’aide humanitaire ne devrait jamais être utilisée comme monnaie d’échange », a réagi James Elder, porte-parole du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef).
Loin d’être une véritable ONG, la Fondation humanitaire pour Gaza ressemble bien à un faux nez humanitaire qui permettrait au gouvernement israélien de mettre en place son plan d’annexion total de Gaza et de déportation plus ou moins forcé de sa population. Les Gazaouis sont sous la menace d’une « famine de masse » selon plusieurs ONG, dont Médecins du Monde, Médecins sans frontières ou Oxfam, et désormais Human Rights Watch.