Le silence génocidaire et notre orchestre de la Paix
Philippe Rio
L'Humanité du 14 mai 2025
Le génocide et l’extermination ethnique du peuple palestinien sont en cours. Les ONG alertent sur la famine et la malnutrition infantile, à Gaza. Depuis le 2 mars, Israël a coupé l’entrée de toute aide humanitaire. Et le cauchemar imaginé par Trump transformant l’enclave palestinienne en Riviera commence à prendre vie avec le projet d’opération militaire des autorités israéliennes pour « la conquête de la bande de Gaza et le contrôle du territoire ».
« Silence on tue ! » est le message du pouvoir israélien d’extrême droite à la communauté internationale. Et alors que la France s’apprête à franchir le pas de la reconnaissance de l’État Palestinien, nous étions 27 élus de gauche à devoir partir, fin avril en Palestine et en Israël, à l’initiative de l’Association pour le Jumelage entre les camps de réfugiés palestiniens et les villes françaises (AJPF). Mais, à deux jours du départ, nos visas ont été annulés. Et, début mai, une délégation de 50 représentants de Cités unies France composée d’élus de la République a subi le même sort.
Dans cet océan de malheur du peuple palestinien, cela peut paraître anecdotique, mais c’est une rupture majeure pour les liens diplomatiques entre la France et Israël. D’autant que pour justifier leur décision, les autorités israéliennes nous ont affublés « d’un lien avec les organisations terroristes ». Motif hallucinant. Telle une marque de fabrique du fanatisme des régimes autoritaires. Face au silence génocidaire, les 27 élus empêchés y allaient surtout pour faire résonner la symphonie de notre orchestre de la Paix, armés seulement dans leurs bagages d’instruments de musique qu’ils voulaient distribuer sur place.
Dans les camps d’Aida, près de Bethléem, d’al-Qalandia près de Jérusalem, d’al-Farta, près de Naplouse, nous devions être accueillis musicalement. Al-Kamandjati, une association proposant des cours de musique aux enfants, près de Ramallah, nous étions attendus pour installer une école de musique pour les enfants démunis. Nous allions rencontrer celles et ceux qui, grâce à ces jumelages, apprennent la langue de Molière, pratiquent le sport comme facteur d’émancipation, ou bénéficieront du droit à l’eau.
Nous étions prêts à écouter les voix des récits partagés, des moments de douleurs et du sumud, cette résistance pacifique palestinienne. Nous étions aussi attendus par le Parti communiste israélien et l’association israélienne Standing together, pour entendre et faire résonner les voix israéliennes de la paix.
Nous n’avons ainsi pas pu déambuler dans la vieille ville de Jérusalem au son des clochers des églises, des prières du mur des lamentations et des appels des muezzins du haut des minarets. Alors que l’on veut faire taire la voix de la paix, à laquelle chacun d’entre nous, d’entre vous peut contribuer, « je vous dis que si nous nous taisons, les pierres crieront ! » (saint Luc).