À Gaza, la mort au bout de la file d’attente pour « l’aide humanitaire »

Publié le par FSC

Mais pourquoi continuer à s'étonner de la complicité de la commission européenne et de l'Union européenne elle -même quand cette complicité et cette vassalité au suzerain US constitue l'ADN de sa politique internationale comme on le voit également à propos de la guerre en Ukraine et de sa russophobie maladive ancrée dans la continuité de la guerre froide !

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L'Humanité du 24 juin 2025

 

 

Dans l’enclave palestinienne, les crimes et la politique génocidaire du gouvernement israélien prospèrent à l’ombre de la guerre avec l’Iran. Tandis que les distributions de vivres se transforment en piège mortel, le territoire n’est pas concerné par le cessez-le-feu réclamé à Tel-Aviv par Donald Trump.
Reléguée dans l’ombre de la guerre contre l’Iran, la litanie quotidienne des morts à Gaza ne connaît pas de trêve. Peu à peu, « la faim gagne du terrain », a mis en garde le chef du bureau humanitaire de l’ONU pour la bande de Gaza, Jonathan Whittall, qui s’exprimait le 22 juin depuis Deir al-Balah, dans le sud du territoire.
Chaque jour, des Palestiniens affamés tentent d’obtenir les quelques colis d’aide humanitaire distribués par la désormais tristement célèbre Gaza Humanitarian Foundation (GHF, Fondation humanitaire pour Gaza), aux liens problématiques avec des sociétés américaines, elles-mêmes liées à Israël. « Ce à quoi nous assistons est un carnage. Le simple fait de vouloir survivre est devenu une condamnation à mort », a poursuivi le haut responsable onusien.
Dans la nuit de lundi à mardi, 25 personnes ont été tuées par des tirs israéliens lors d’un rassemblement à proximité d’un centre de distribution d’aide alimentaire dans le centre de la bande de Gaza. Selon le porte-parole de la défense civile du territoire, Mahmoud Bassal, « 25 morts et environ 150 blessés ont été transférés à l’hôpital (…) après que les forces d’occupation israéliennes ont pris pour cible des rassemblements de citoyens attendant de l’aide sur la route Salaheddine en tirant des balles et des obus de chars ». Le 18 juin, 60 Gazaouis avaient déjà été massacrés et des centaines d’autres blessés lorsqu’un char a tiré sur une foule attendant de l’aide.

Un mécanisme abominable
La stratégie développée par l’armée et le gouvernement israéliens atteint un sommet de perversion, loin des projecteurs aujourd’hui braqués sur l’Iran. « Je ne pense pas que le but recherché par Benyamin Netanyahou était d’invisibiliser le sort de Gaza, mais, de fait, le résultat est là », analyse le directeur adjoint de l’Institut des relations internationales (Iris), Didier Billion. « Je suis atterré de voir que depuis quelques jours on n’en parle plus, alors que le massacre continue méthodiquement, de même que les bombardements et les tirs des soldats de la pseudo-ONG (GHF – NDLR) qui phagocyte l’aide humanitaire. C’est terrifiant. Des gamins qui viennent chercher de la nourriture se font tirer dessus comme des lapins », poursuit le chercheur.
En effet, la mise sur pied de cette « organisation » ne semble répondre qu’à la volonté de Benyamin Netanyahou de contrôler militairement l’aide – très insuffisante – et de maîtriser l’arme de la faim. Pour Philippe Lazzarini, le chef de l’Unrwa, l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens interdite de travailler par le gouvernement israélien, « le nouveau mécanisme dit « d’aide alimentaire » est une abomination. C’est un piège mortel, qui coûte davantage de vies qu’il n’en sauve ».
Selon Didier Billion, « cette bande de mercenaires stipendiés par Israël devient le symbole de la barbarie. La plupart des médias se taisent ou relèguent ça loin dans leurs journaux ». D’après le décompte annoncé par Jonathan Whittall, près de 450 Gazaouis ont été tués lors de ces distributions d’aide, dans « des conditions créées pour tuer ».
Amande Bazerolle, responsable adjointe des opérations d’urgence à Gaza pour Médecins sans frontières (MSF), qui était sur place en mai, raconte : « Le blocus israélien conduit à des pillages de plus en plus fréquents par des groupes armés. Les blessures par balles augmentent considérablement dans les hôpitaux. À peine 20 % des besoins sont couverts. 90 % de la population vit de l’aide humanitaire. Désormais, un million de personnes se trouvent dans le Nord, principalement à Gaza City. Ce manque de surface amène de nombreuses maladies, notamment diarrhéiques. L’accès à l’eau potable reste une priorité. »
Cette volonté d’affamer l’ensemble de la population gazaouie est corroborée par la destruction systématique de toute production agricole. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 95 % du gros bétail et plus de la moitié des ovins ont été massacrés. Seulement 4,6 % des terres agricoles sont encore cultivables, et 210 pêcheurs ont été tués dont 60 en mer, rapporte dans le Monde Zakaria Baker, le responsable syndical des pêcheurs gazaouis. Certains ont été visés dans leur barque par des drones israéliens.

L’UE demeure silencieuse
Depuis ce mardi, un chiffre circule sur plusieurs médias : celui de 377 000 disparus à Gaza depuis octobre 2023, loin des 55 000 morts recensés par le ministère local de la Santé, dont les chiffres sont jugés fiables par l’ONU. Présenté comme le résultat d’un « rapport de Harvard », il s’agit en réalité d’une étude menée par Yaakov Garb, chercheur à l’université Ben Gourion du Néguev, à propos des « complexes de « distribution d’aide » israélo-américains GHF à Gaza », et publiée le 3 juin. La combinaison de données militaires israéliennes et d’images satellites permet de déduire par projection que 17 % de la population gazaouie, soit 377 000 personnes, ont disparu depuis octobre 2023.
Les 27 États de l’Union européenne (UE) pourraient-ils être poursuivis pour complicité de génocide ou de crimes contre l’humanité ? La réunion des ministres européens des Affaires étrangères qui s’est tenue à Bruxelles, lundi 23 juin, portant sur une possible révision de l’accord d’association entre Israël et l’UE, est effrayante de passivité.
« Pendant que les ministres continuent de débattre et de différer les décisions, des familles entières à Gaza sont ensevelies sous les décombres », fustige Agnès Bertrand-Sanz, en charge des questions humanitaires pour l’ONG Oxfam.
Trois jours auparavant, le service diplomatique européen (SEAE, service européen pour l’action extérieure) avait pourtant remis aux États membres un rapport juridique interne de huit pages. Entre le blocus de l’aide humanitaire, les déplacements forcés de population, les destructions, le nombre de morts civils, le document confirme un certain nombre de violations par les autorités israéliennes de l’article 2 de cet accord commercial, qui impose le respect des droits humains.
Résultat ? « L’objectif n’est pas de punir Israël, mais d’apporter des améliorations concrètes à la population et à la vie des habitants de Gaza. C’est donc ce que nous essayons de faire maintenant », a indiqué la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas, lundi. Pis, elle assure contacter « Israël pour lui présenter (ses) conclusions et voir comment améliorer la situation sur le terrain » en matière d’aide humanitaire.
Pour l’eurodéputé du groupe La Gauche, Marc Botenga, du PTB (Parti du travail de Belgique), c’est « un discours de la honte. Les gouvernements européens constatent qu’Israël viole les droits humains et le droit international humanitaire et décident d’« en parler avec Israël ». Zéro sanction. Zéro mesure. Juste de la complicité pure ».
Alors qu’une politique génocidaire est clairement appliquée par le gouvernement de Benyamin Netanyahou, la vice-présidente de la Commission européenne présente les crimes comme un simple différend diplomatique. Kaja Kallas promet que, « si la situation ne s’améliore pas, (ils) pourron (t) discuter d’autres mesures et reviendron (t) sur ce point en juillet ».
Pour la coprésidente du groupe La Gauche, Manon Aubry (LFI), l’indignation est forte : « Discuter de la suspension de l’accord UE-Israël en juillet, alors qu’un rapport de la Commission européenne conclut à la violation des droits de l’homme par Israël à Gaza la semaine dernière ! Dans un génocide, chaque seconde compte. L’attentisme est coupable. »

Paris et Berlin évoquent un cessez-le-feu


Malgré la guerre en Iran, la solidarité avec les Palestiniens n’a jamais cessé dans de nombreux pays européens. Des rassemblements en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Espagne continuent de réunir des centaines de milliers de personnes. Diverses ONG, associations, mouvements, organisations syndicales, dont la CGT, ont organisé une marche au départ de diverses capitales européennes pour rejoindre Bruxelles, lundi 23 juin.
L’objectif est de dénoncer la complicité européenne et d’appeler à « mettre fin au génocide » en prenant des sanctions, à l’instar des paquets votés contre la Russie. À la veille d’un nouveau sommet européen qui rassemble les 27 chefs d’État et de gouvernements de l’UE ces jeudi et vendredi à Bruxelles, l’unité se fissure-t-elle ? Le président français Emmanuel Macron a affirmé, mardi, en marge d’une visite officielle à Oslo (Norvège) : « Au-delà ce qui se passe sur l’Iran, je redis ici la nécessité d’obtenir un cessez-le-feu à Gaza et de reprendre l’aide humanitaire. C’est absolument prioritaire. »


Devant les députés allemands, le chancelier Friedrich Merz a jugé « le moment venu de conclure un cessez-le-feu à Gaza ». Ces prises de position vont-elles pousser à une initiative diplomatique européenne ? Pour la Commission, la suspension de l’accord avec Israël requiert l’unanimité des chefs d’État. « C’est faux, note Marc Botenga. Il y a des aspects de la coopération au sein de l’accord d’association qui peuvent être stoppés sans avoir l’unanimité des votes mais par la majorité qualifiée : fonds pour la recherche et l’innovation, le développement… Au contraire, si l’UE continue de financer, continue d’armer, continue son partenariat privilégié, elle viole ses engagements internationaux. »

Vadim Kamenka et Benjamin König 

 

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