Dictature patronale
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Répression : un délégué syndical placé en garde à vue pour un mail annonçant les élections au CSE
Le 20 juin à Lyon, un rassemblement était organisé par Solidaires informatiques pour dénoncer la répression de Yanis, délégué syndical poursuivi en justice par son employeur Solutec, qui lui réclame 100 000 euros pour avoir envoyé un mail aux salariés de l'entreprise.
Crédits photo : Lisa From Pexels
Vendredi 20 juin, place Guichard à Lyon, une centaine de personnes se sont rassemblées à l’appel de Solidaires Informatique. Plusieurs collègues et militants de différents secteurs sont venus apporter leur soutien à Yanis, délégué syndical poursuivi en justice par son employeur Solutec, une entreprise de services du numérique (ESN) qui emploie notamment des ingénieurs en informatique. En cause : l’envoi d’un simple email annonçant les prochaines élections aux CSE aux 1400 salariés de l’entreprise.
Yanis est accusé d’avoir utilisé ses compétences en informatique pour obtenir frauduleusement les emails de l’ensemble des salariés de Solutec. Pourtant, c’est la direction qui a outrepassé la loi en refusant de fournir ce registre au délégué syndical. Elle s’appuie en effet sur l’isolement entre salariés de l’entreprise, qui effectuent des missions pour des entreprises différentes (comme Capgemini, IBM France, Atos) et se côtoient peu sur leur temps de travail, pour empêcher tout organisation collective. Solutec tente une répression ultra-violente contre Yanis pour avoir tenté de contacter ses collègues, et lui réclame 100 000 euros de dommages et intérêts, après avoir déjà obtenu sa mise en garde à vue, effectuée par huit policiers armés, et une perquisition de son logement.
En réalité, ce que l’on reproche à Yanis, c’est de faire exister une section syndicale dans un secteur où la souffrance au travail est importante. [Yanis avait déjà été mis de côté à cause de son engagement à Solidaires Informatiques, avec moins de missions confiées, et des rumeurs entretenues contre lui par sa hiérarchie. « On disait de lui qu’il fallait faire attention, qu’il avait des propos anti-entreprise » nous explique Thomas, un autre militant syndical à Solutec. « D’autres motifs de licenciement fallacieux sont régulièrement recensés à Solutec : répondre à un mail en plus d’1h, porter un short jugé trop court, stocker une trottinette dans les locaux de l’entreprise. » De quoi entretenir un climat généralisé de peur au travail.
Thomas revient sur ce fonctionnement dans l’entreprise « Chez Solutec, la moyenne d’âge est autour de 26-27 ans. Beaucoup viennent d’obtenir leur diplôme ou sont en reconversion professionnelle. » Ce mécanisme permet à l’entreprise de recruter des salariés peu coûteux, peu informés et surtout très dociles, car précarisés et isolés. « Beaucoup viennent juste de sortir d’école et partagent nos idées mais n’osent pas s’engager. On voit bien que l’idée de faire grève leur fait peur. »
Entre les contrats courts, un turn-over élevé (environ 20% par an) et l’isolement dû aux missions (effectuées dans des entreprises dispersées), construire une dynamique syndicale dans une ESN s’avère difficile. « Les seuls moments où on peut discuter entre salariés, c’est entre deux contrats [quand les salariés ne sont pas en mission pour d’autres entreprises]. Mais là aussi, l’entreprise surveille : caméras sur le lieu de travail, des rapports chaque semaine sur la bonne conduite des salariés, un contrôle très intrusif des retards. C’est le seul moment où les syndicalistes peuvent essayer de créer du lien, mais dès que les gens repartent en mission, c’est fini. » Dans ce secteur de plus en plus précarisé, certaines ESN vont jusqu’à recourir à des « CDI de chantier », rendus possibles par la loi Macron de 2017 : des contrats qui se terminent automatiquement avec la fin de la mission, supprimant tout droit à la continuité de l’emploi. Le patronat du secteur peut s’appuyer sur ces dispositifs de flexibilisation pour imposer un traitement particulièrement violent aux salariés, avec des conditions de travail dégradées.
Pour autant, de nombreux soutiens étaient présents au rassemblement pour Yanis ce vendredi 20 juin à Lyon, avec des membres de Sud-Rail, Solidaires éducation, ou Sud Santé-social. Une solidarité inter-sectorielle des travailleurs qui montre la voie à suivre : face à la répression patronale généralisée dans le monde du travail, l’unité des travailleurs est une force ! Dans leur lutte, les salariés des ESN peuvent ainsi s’appuyer sur l’expérience de nombreux combats contre la répression syndicale, à l’image de celles vécues par Christian Porta contre le géant de l’agro-alimentaire In-Vivo, qui s’est avérée victorieuse malgré la détermination de la multinationale à licencier le militant CGT. Pour Yanis, le combat continue contre la répression syndicale, avec de nouvelles suites judiciaires à l’automne. Il aura besoin d’un large soutien, pour obtenir la relaxe et sa réintégration, contre les méthodes d’intimidation de Solutec !
Publié par REVOLUTION PERMANENTE