Fuite d’une note confidentielle : les États-Unis et Israël ont-ils réellement atteint le programme nucléaire iranien ?

Publié le par FSC

Lina Sankari
L'Humanité du 25 juin 2025

 

La divulgation d’une note confidentielle du renseignement états-unien sur le manque d’efficacité des bombardements contre les sites nucléaires iraniens relance le débat sur les objectifs de l’intervention. Téhéran assure que « la partie n’est pas terminée ».
Qui a laissé fuiter la note du renseignement états-unien et dans quel objectif ? Ce 24 juin, un document classé confidentiel laisse entrevoir l’impact limité des bombardements de Washington sur les installations nucléaires iraniennes de Fordo, Natanz et Ispahan. Le président Donald Trump a beau claironner sur son réseau Truth Social : « Les sites nucléaires sont complètement détruits », la réalité semble plus contrastée, interrogeant sur la reprise d’une guerre dans cet objectif à l’avenir. Selon cette note, le programme de Téhéran aurait seulement été retardé de quelques mois. Les centrifugeuses et les stocks d’uranium enrichi sont loin d’avoir été complètement détruits par les frappes qui auraient échoué à anéantir les bâtiments souterrains.
L’agacement est palpable à la Maison-Blanche, où la porte-parole a tenté de déminer la polémique. Si elle confirme l’authenticité du rapport, elle le juge « tout à fait erroné ». L’affaire a de quoi faire grincer des dents à Washington, où l’efficacité de l’intervention extérieure, débattue dans les cercles trumpistes avant son lancement, pourrait être remise en cause. S’agissait-il d’un suivisme aveugle des buts de guerre de Benyamin Netanyahou pour détourner les yeux de Gaza, de reprendre la main sur Israël pour faire cesser la guerre, et satisfaire ainsi une partie de ses soutiens et des pays arabes que Trump ne souhaite pas s’aliéner pour poursuivre ses affaires, ou d’une volonté de renverser le pouvoir iranien afin d’assurer son hégémonie ?
Pour la porte-parole, cette fuite « est une tentative évidente de rabaisser le président Trump ». L’administration serre les rangs. Sans en apporter la preuve, l’émissaire états-unien pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, assure le service après-vente : « La plupart, sinon la totalité, des centrifugeuses ont été endommagées ou détruites, de telle sorte qu’il sera presque impossible de relancer le programme. » Le ton est le même en Israël, où l’on se targue d’une annihilation complète des capacités iraniennes.

L’Iran joue la carte du multilatéralisme


Il faudra attendre les rapports d’inspection de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour évaluer les dégâts réels. Les autorités iraniennes assurent avoir anticipé et déplacé une partie des stocks d’uranium enrichi. « La partie n’est pas terminée », prévient un conseiller du guide suprême, Ali Khamenei, qui n’entend pas donner des signes d’affaiblissement politique et militaire, tant pour des raisons internes que de poursuite de ses tentatives hégémoniques sur la région. Une stratégie qui risque de donner du grain à moudre aux néoconservateurs.


Alors que le droit international a achevé d’être piétiné avec le déclenchement illégal de cette guerre, Téhéran, qui n’a pas de dogme en la matière, joue la carte du multilatéralisme et de la légalité. Sa demande de convocation d’une réunion du Conseil de sécurité à la suite des bombardements états-uniens peut être interprétée en ce sens. Elle permet également de relancer un front avec le Sud global. S’il laisse parfois entendre le contraire, l’Iran pourrait ainsi stratégiquement demeurer dans le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) pour donner des gages en termes d’inspections de l’AIEA, contrairement à Israël qui n’en est pas signataire.

 

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