Proche-Orient : la politique de la canonnière
Tribune - L'Humanité du 19 juin 2025
Par Robert Kissous, économiste et militant associatif.
Pas à pas l’objectif de l’impérialisme états-unien de domination sans partage du Moyen-Orient avance. Grâce à Israël. La politique de la canonnière ne marche plus mais l’objectif néocolonial d’un contrôle de l’ensemble de la région et de ses ressources pétrolières, gazières et financières persiste.
Le G7 hormis le Japon soutient Israël, l’agresseur étant qualifié de victime ayant le droit de se défendre. Emmanuel Macron s’est totalement aligné sur les EU et décidait aussitôt le report de la conférence internationale du 17 au 20 juin sur la question de l’État de Palestine. Le départ précipité de Trump de ce G7 montre dans quel mépris il tient ses « alliés ».
La « guerre préventive », autrement dit l’agression contre l’Iran était déclenchée alors même que les États-Unis (EU) et l’Iran devaient encore se rencontrer à Oman deux jours plus tard. L’attaque israélienne a mis fin à toute négociation. À moins que la négociation n’ait été un écran de fumée avant l’attaque. Car Trump a progressivement posé des conditions inacceptables telle que l’interdiction de tout enrichissement d’uranium sur le sol iranien. L’affrontement était voulu.
Est-ce seulement la crainte de voir l’Iran disposer de l’arme nucléaire qui motivait Israël et son parrain ? À lire les déclarations de Trump et Netanyahou on peut en douter. Nous pouvons tuer Khamenei, dit Netanyahou. « Nous n’allons pas l’éliminer, du moins pas tout de suite », répond Trump en écho. L’Iran doit « capituler sans conditions » déclare Trump et le ministre de la Défense israélien s’engage à « frapper le régime de l’ayatollah ».
De l’objectif de détruire les installations nucléaires iraniennes, Israël et les EU passent au « regime change » présenté sous l’emballage de la lutte contre la dictature et pour la paix. C’est au peuple iranien et à lui seul de décider en toute souveraineté de sa gouvernance et non à des puissances étrangères.
On connaît le criminel de guerre Netanyahou, recherché par la CPI et son fournisseur d’armes, responsables et complices du génocide à Gaza. On sait à quoi aboutit le « changement de régime » notamment en Irak ou Libye : la mise sous tutelle, le démantèlement de l’État et un chaos durable.
Mais pour instaurer un changement de régime l’aviation ne peut suffire, il faut envoyer des troupes sur le terrain. Les EU auraient oublié leurs échecs militaires et leur départ en catastrophe d’Afghanistan ? Trump avait promis de ne jamais s’impliquer directement dans une guerre mais quel crédit lui accorder ?
Les EU iront-ils plus loin en bombardant les installations nucléaires iraniennes avec leur bombe anti-bunker de 13 tonnes ? Soutiendront-ils les tentatives d’assassinat de Khameini ? Les déclarations de plus en plus agressives de Trump laissent croire possible cette escalade visant à restaurer leur hégémonie sur la région. L’Iran a laissé entendre qu’elle répliquerait contre les bases militaires des EU. Et elle a encore la possibilité de fermer ou contrôler le passage dans le détroit d’Ormuz.
On imagine mal la Russie et la Chine, sans parler du Sud global, rester simples spectateurs compte tenu des liens tissés avec l’Iran et des conséquences mondiales d’un tel embrasement y compris sur le plan économique. Le danger est là. Plus que jamais le monde, la France, a besoin d’un vaste mouvement de la paix en coopération avec tous ceux qui veulent un monde sans hégémonie.