Gaza : pendant que les bombardements continuent, l’Union européenne propose des mesures cosmétiques contre Israël

Publié le par FSC

Lina Sankari
L'Humanité du 17 septembre 2025

 

Pressée par son opinion publique, notamment la jeunesse, l’UE se prépare à prendre des sanctions commerciales contre Israël. Mais les mesures annoncées s’avèrent insuffisantes pour répondre à la gravité de la situation.© Wiktor Dabkowski/ZUMA/MAXPPP

 

Bien qu’inédite, la proposition de suspension partielle de l’accord d’association UE-Israël ne concerne que 37 % des échanges. Le Conseil de l’UE doit encore se prononcer. Pour l’heure, les Vingt-Sept restent divisés.
Ursula von der Leyen marche sur des œufs. Contrainte par la pression populaire et l’ampleur des massacres à Gaza, l’hyperprésidente de la Commission actait, lors de son discours sur l’état de l’Union, le 10 septembre, le divorce entre une partie des Européens – notamment la jeunesse – et les dirigeants bruxellois qui avaient majoritairement manifesté leur « soutien inconditionnel » à Israël après le 7 octobre 2023, laissant d’emblée les mains libres au premier ministre Benyamin Netanyahou.
La cheffe de la diplomatie de l’Union européenne (UE), Kaja Kallas, l’a confirmé ce 17 septembre : « La situation a changé. La souffrance de la population va grandissante. »

L’UE épargne le secteur pharmaceutique israélien


Tout en se gardant d’employer le mot de « génocide », elle ajoute : « Nous voyons que l’opinion publique des États membres penche de plus en plus dans un sens en raison des souffrances que l’on voit à Gaza. Les populations veulent que les souffrances cessent. » Les Palestiniens se contenteront-ils des mesures cosmétiques mises à l’ordre du jour par Ursula von der Leyen ?
L’UE demeure le premier partenaire commercial d’Israël (32 % des échanges de biens) et il aura fallu attendre près de deux ans pour commencer à envisager la suspension partielle du volet économique de l’accord d’association malgré les demandes de pays comme l’Espagne.
Ainsi, en plus des sanctions qui viseraient les ministres Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir, ainsi que les colons violents, la Commission propose la réintroduction des droits de douane pour un surcoût de 227 millions d’euros sur les biens importés d’une valeur totale de 5,8 milliards d’euros annuels.
Une mesure limitée qui se contente en réalité de passer les produits israéliens aux tarifs standards de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et toucherait seulement 37 % des échanges en valeur. La mesure concerne principalement l’agriculture ; le puissant secteur pharmaceutique, qui bénéficie d’un régime de faveur à 0 % à l’OMC, n’est pas concerné.

Ursula von der Leyen cherche à préserver l’unité de la Commission européenne


Également épargnés, les produits des colonies exclus des préférences tarifaires couvertes par l’accord d’association. Enfin, la Commission suspendrait l’aide bilatérale à Israël de 20 millions d’euros sans toucher aux programmes en lien avec la société civile et avec le mémorial Yad Vashem.


« Ces mesures sont proposées dans une optique qui n’est pas punitive mais pour que le gouvernement israélien change de cap », insiste Kaja Kallas, qui précise que les « mesures ne touchent pas les populations ». Le dialogue politique est en outre préservé.
Ursula von der Leyen semble davantage soucieuse de préserver l’unité du collège des commissaires et de calmer les États membres critiques vis-à-vis de son attentisme. La dirigeante, issue de la droite allemande, qui doit affronter deux motions de censure déposées par les groupes de La Gauche et des Patriotes pour l’Europe, pourrait également chercher à s’assurer le soutien du bloc social-démocrate au Parlement européen, de plus en plus critique vis-à-vis de Tel-Aviv.
La partie n’est cependant pas tout à fait jouée. Le Conseil de l’UE a à charge de se prononcer sur ces mesures par un vote à la majorité qualifiée (15 États membres représentant 65 % de la population de l’Union). L’instance décidera également à partir de quand et quelles structures techniques doivent examiner les sanctions proposées.

Des États membres divisés sur les sanctions


En clair, des experts des États membres vont se pencher sur la mise en œuvre. « Le sujet est très politique, cela peut donc aller relativement vite », assure un fonctionnaire de la Commission à l’Humanité sous couvert d’anonymat. Toutefois, tempère Kaja Kallas, « vous connaissez les équilibres (politiques) au Conseil. (…) Pour l’instant, les fractures restent inchangées ».
Une manière d’entendre que l’Allemagne (plus de 18 % de la population de l’UE) pourrait rester sur ses positions et voter contre. En août, la suspension partielle des livraisons d’armes à Israël avait valu au chancelier chrétien-démocrate Friedrich Merz une levée de boucliers au sein de son camp politique.
L’Italie (environ 13 % de la population de l’UE) avait quant à elle expliqué qu’elle suivrait les positions allemandes. La Tchéquie, la Hongrie, la Bulgarie y sont également hostiles.
Dans ces conditions, les votes favorables de la France, de l’Espagne, de l’Irlande et de la Belgique ne sauraient suffire à l’obtention de la majorité qualifiée sauf retournement de situation. Selon Benyamin Netanyahou, Israël serait cependant en capacité d’assumer « une économie qui présente des caractéristiques autarciques ». Qu’il se rassure, pour l’heure, il peut continuer à lorgner l’UE.

 

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