67 869 Palestiniens tués : l’effroyable bilan de deux ans de génocide à Gaza

Publié le par FSC

Arthur Dumas
L'Humanité du 14 octobre 2025

 

Après deux ans de génocide, le nombre de Palestiniens tués par les bombardements de l'armée israélienne dans l'enclave ne cesse d'empirer. Le cessez-le-feu ne devrait pas mettre un terme à l'envolée de ce terrible bilan actuellement de 67 869 morts selon le ministère de la santé de Gaza. Celui-ci, notamment du fait des corps qui seront retrouvés sous les décombres et des morts indirectes, pourrait à terme excéder les 200 000 selon les experts en démographie et en statistique.
Combien de Palestiniens ont-ils été tués par l’armée israélienne à Gaza ? Selon les derniers chiffres du ministère de la santé de Gaza, on dénombre au moins 67 869 décès confirmés en date du 13 octobre 2025. Accessibles depuis le début de l’offensive israélienne, ces données ont longtemps été décriées par Tel-Aviv, donc ignorées par les médias dominants et ce malgré les enquêtes internationales pointant toutes l’absence de preuves de falsification.
Pendant que la question de leur fiabilité enflammait les plateaux de télévision, plusieurs études réalisées par des démographes et des statisticiens alertaient sur la possibilité d’un bilan bien plus élevé. Si l’on prend en compte l’ensemble des morts indirectes, le bilan total pourrait largement dépasser les 200 000 morts.

67 194 morts confirmés à Gaza


Ces chiffres ne comprennent que les décès qui ont été effectivement constatés par les autorités de Gaza. Autrement dit, lorsque celles-ci ont récupéré un corps. En un peu plus de deux ans, l’armée israélienne a donc tué au moins 67 869 personnes à Gaza, soit environ 92 par jour en moyenne.

 

Ce bilan provisoire est sans précédent dans l’histoire du Proche-Orient. À titre de comparaison, le nombre de Palestiniens tués ces deux dernières années est plus important que le nombre de Palestiniens tués lors des différents conflits avec Israël depuis 1948.
Sur ces 67 869 victimes dont les corps ont été récupérés, seules 60 199 ont pu être identifiées par les autorités de Gaza. Or, près d’un tiers d’entre elles avait moins de 18 ans lorsqu’elles ont été tuées. Dans le détail, on dénombre 2 392 nourrissons (0 à 2 ans), 8 578 enfants (2 à 11 ans) et 6 947 adolescents (11 à 17 ans). Parmi les nourrissons, 968 n’avaient même pas atteint leur première année lors de leur décès. Signe du caractère intergénérationnel de ce massacre, 571 victimes sont nées avant la Nakba de 1947.


Pour justifier ses campagnes de bombardements massifs et aveugles, le gouvernement israélien s’est toujours justifié en affirmant que ses militaires ne ciblaient que les combattants du Hamas, et aucun cas les civils. Sauf que pour Tel-Aviv, tout homme en âge de combattre est, de fait, considéré comme membre du groupe islamiste. Mais sur ces 60 199 victimes identifiées, 54 % sont soit des mineurs, des femmes ou bien des personnes âgées.

 

Et ce sont d’ailleurs les chiffres de l’armée qui la contredisent le mieux. En août 2025, le Guardian publie une enquête coréalisée avec les médias + 972 et Local Call en s’appuyant sur des données internes des forces militaires. Sur un total de 53 000 morts, l’armée israélienne comptabilise seulement 17 % de combattants du Hamas, soit 83 % de victimes civiles. Dans ses colonnes, le quotidien britannique rappelle que ce ratio civils/combattants est largement plus élevé que celui des guerres syriennes ou soudanaises, pourtant réputées extrêmement meurtrières pour les civils.
L’armée en fait finalement l’aveu, puisqu’en septembre, le site israélien Ynet révélait un enregistrement de l’ancien chef d’état-major de l’armée israélienne Herzi Halevi qui, malgré contestations fréquentes des chiffres par son gouvernement, validait le bilan du ministère de la santé.

Les morts indirectes, angle mort du génocide
Tous les chiffres évoqués jusqu’à présent ne prennent en compte qu’une partie des morts directement imputables aux actions militaires israéliennes. Or il suffit de regarder les dernières images satellitaires de Gaza pour comprendre que des centaines de corps sont toujours coincées sous les décombres tant l’enclave a été complètement rasée par les bombes. Dans son dernier bulletin du 7 octobre 2025, le programme OCHA estime que 92 % des habitations sont totalement détruites ou endommagées.

À l’ombre de Gaza, la Cisjordanie

Si le quotidien des Palestiniens de Cisjordanie n’a pas été celui des bombardements quotidiens subis par les Gazaouis, leur situation s’est, elle aussi, dégradée depuis le 7 octobre 2023. Galvanisés par les saillies racistes des ministres d’extrême droite Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, les colons israéliens ont multiplié les attaques envers la population locale.
Depuis le 7 octobre 2023, le programme OCHA des Nations Unies a recensé pas moins de 2 690 attaques de colons, soit en moyenne près de quatre par jour. Ces attaques, le plus souvent permises par la complicité des forces armées israéliennes, ont coûté la vie à 992 Palestiniens.


Mais combien de Gazaouis sont-ils morts faute de nourriture, d’eau ou d’accès aux soins ces deux dernières années ? Dès le début de la réponse militaire d’Israël après les attaques du 7 octobre 2023, le ton était clair : « Nous imposons un siège total sur la ville de Gaza. Il n’y a pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’eau, pas de carburant. Tout est fermé », déclarait le ministre de la défense de l’époque, Yoav Galant, dès le lendemain.
Auteur de l’ouvrage Une étrange défaite. Sur le consentement à l’écrasement de Gaza, l’anthropologue Didier Fassin explique que les études épidémiologiques menées sur les suites des conflits, démontrent très souvent un nombre de morts indirectes bien plus élevées que les morts directes. « Quatre fois plus pour les invasions de l’Afghanistan et de l’Irak », précise le professeur de l’université de Princeton. Pour le cas palestinien, cela voudrait dire que le bilan réel atteindrait 271 476.


Avec une méthode similaire, une « correspondance » (une lettre de chercheurs adressée au journal) de la prestigieuse revue The Lancet tablait déjà sur un bilan de 186 000 morts en juillet 2024. « Ces études sont importantes, et permettent déjà de corriger significativement les données en montrant que les chiffres officiels sont très sous-estimés », explique Didier Fassin.
Mais sera-t-il possible de faire émerger un jour un véritable bilan consolidé ? « Il faudrait que des enquêtes indépendantes puissent être réalisées, et que donc Israël et les États-Unis les autorisent, ce qui est loin d’être certain. Et il y aura la difficulté que des familles entières ont été éliminées et donc ne pourront être incluses dans les enquêtes, ce qui risque de conduire à une sous-estimation », précise le chercheur.

 

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