6ème congrès de la FSU : Contribution des militants FSU du Front Syndical de Classe

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Les militants FSU appartenant ou proches du FSC ont participé de nombreux congrès départementaux préparatoires au congrès de Lille. Ils livrent ici une contribution synthétisant quelques-unes de leurs interventions ayant donné lieu à l'adoption d'amendements aux documents préparatoires.



A - Europe et Education

B- Syndicalisme international

C- L'unité syndicale

D- Tous ensemble en même temps !



Introduction


Le monde du travail subit une attaque frontale de la part de pouvoir du grand capital depuis de nombreuses années (gouvernements et présidents de la république successifs, UE, MEDEF,...) qui se renforce actuellement et frappe avec une violence inouïe la grande majorité de la population : destruction de l'emploi, baisse du pouvoir d'achat des salaires, protection sociale, statuts, conventions collectives, services publics mis à mal jusqu'à la volonté de les faire disparaître, laïcité, libertés syndicales et démocratiques attaquées... C'est bien l'ensemble des conquêtes sociales acquises parfois depuis plus de 100 ans, et notamment héritées de 1936, du CNR, de 1968... qui est dans le viseur du grand patronat.

La Fonction publique et l'Education Nationale de la Maternelle à l'Université n'échappent pas à la règle. Outre que la casse du pays, de son industrie, de ses solidarités collectives... ont de graves effets sur le système scolaire, celui-ci est victime des décisions et injonctions européennes, et de la politique menée par les gouvernements sous la tutelle de l'Europe et du grand patronat.. C'est dans ce cadre qu'a été mise en place la réforme de l'État dont un des aspects déterminants pour la Fonction publique et donc pour l'Education nationale est le vote en 2001 de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF). La LOLF est un des instruments mis en place par le pouvoir au service des grandes entreprises pour renforcer leur domination et celle de leur classe sur la classe ouvrière et les salariés. La LOLF organise une dégradation absolue des services publics et donc une réduction drastique de la satisfaction des besoins des travailleurs en même temps qu’elle est un instrument radical de casse du statut de la fonction publique. L’article 30 de cette Loi organique est très clair : « Les règles applicables à la comptabilité générale de l’Etat ne se distinguent de celles applicables aux entreprises qu’en raison des spécificités de son action. ». On ne peut être plus clair pour indiquer que c’est la rentabilité capitaliste qui est pris pour critère. L'existence de la Fonction publique est en contradiction avec cet article et se trouve donc très menacée par la LOLF qui a été désignée par les députés qui l'ont adoptée (droite et parti socialiste) comme étant la nouvelle constitution financière de la France. L'adoption de cette loi organique est en cohérence avec les décisions de l'Union européenne où la notion de service public n'existe pas (le statut de la Fonction publique en France a un caractère progressiste qui n'existe nulle part ailleurs en Europe) mais est remplacée par celle de services d'intérêt général et services d'intérêt économique général.

Enfin, au nom de la concurrence (qui est une notion strictement idéologique en l'occurrence puisqu’en Europe et dans cette mondialisation soumise aux intérêts des grandes sociétés capitalistes, la libre concurrence non faussée n'existe absolument pas) les services publics et leur forme la plus avancée, la Fonction publique, sont détruits.

Sarkozy, dès son arrivée au pouvoir, plus précisément en septembre 2007 a annoncé une révolution culturelle concernant la Fonction publique. En réalité, les mesures annoncées n'étaient que la mise en œuvre de la LOLF, à l'élaboration de laquelle Sarkozy a joué un grand rôle. Parmi ces mesures se trouvait la confirmation de la RGPP qui découle elle-même de cette LOLF. La presse a souligné que ces mesures étaient l'application des règles du privé à la Fonction publique. Elle ne faisait que souligner que Sarkozy appliquait l'article 30 de la LOLF.

Signalons également une autre offensive du patronat et des gouvernements successifs : l'attaque contre les qualifications, auxquelles on a opposé les compétences. Les qualifications sont une spécificité française ; dans les pays anglo-saxons n'existent que les compétences qui ne confèrent aucun droit. Quant à elles, les qualifications sont pour une part la base du droit du travail, elles interviennent particulièrement dans les conventions collectives et les statuts de la Fonction publique. Concernant l'ensemble des salariés et notamment les fonctionnaires, les arrêtés Lang (dits LMD – Licence, Master, Doctorat), supprimant tout référentiel national au diplômes universitaires, leur enlèvent leur caractère qualifiant pour n'en faire que des grades faisant disparaître ce en quoi ils sont le support de droits des salariés (concernant notamment le recrutement, la rémunération et le licenciement).

C'est dans le cadre de ces déterminations que le recrutement et la formation des futurs enseignants sont détruits dans leur forme actuelle.


La recherche

Pôles de compétitivité, pôles de recherche et d’enseignement supérieur, autonomie des Universités, découpage du CNRS en instituts, agence nationale pour la recherche(ANR), agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), alliance nationale des sciences de la vie et de la santé…Les structures nouvelles et les réformes ne manquent pas pour développer une stratégie qui vise à intégrer encore plus les activités de recherche aux stratégies des grandes entreprises. Cette situation n’est pas entièrement nouvelle car recherche et production sont des activités humaines intimement liées concourant à la production. Mais aujourd’hui les investissements de recherche sont de plus en plus nécessaires au développement économique. Les grandes entreprises capitalistes ont besoin de la recherche pour s’imposer sur les marchés. Cependant, elles entendent diminuer leur propre contribution pour espérer améliorer les taux de profits. Elles entendent ainsi libérer plus de moyens pour la spéculation financière. Il s’agit donc de socialiser l’effort de recherche, c’est-à-dire le faire peser sur tous les citoyens, tout en contrôlant les orientations et les résultats.

 

Il s’agit donc pour le grand capital de transférer l’effort de recherche sur le secteur public en créant des laboratoires et structures en commun avec celui-ci. Bien entendu pour être profitable, cette stratégie implique le contrôle strict par les capitalistes des orientations de recherche et de ses résultats. Avec la crise qui se développe il s’agit de passer à un stade plus avancé du processus. Outre la déstructuration des établissements publics de recherche et la liquidation des statuts des personnels, ceci implique aussi la construction de vastes ensembles appelés « clusters » dans lesquels les entreprises capitalistes orienteront et dirigeront la recherche à leur profit exclusif.



Dans cette situation d'état d'urgence social, la FSU donne pourtant l’impression d’hésiter et d’engager des demi-combats, davantage destinés à « peser », à « infléchir », à « réorienter », à « remettre à plat » qu’à gagner. Cette impression est d'autant plus forte que la FSU n’a mené aucun combat contre la LOLF, ni contre le LMD dont on vient de voir l'aspect pourtant néfaste pour la Fonction publique et l'Education nationale. Elle suit depuis quelques années une tactique de journées d'actions dispersées sans danger pour ce gouvernement de casseurs. La FSU, concernant les salaires dont le pouvoir d'achat d'après ses propres calculs a perdu plusieurs dizaines de points d'indice, a une position encore plus attentiste, alors que c'est sur cette question que le patronat est le plus inflexible, parce qu'elle est la plus décisive pour lui.

On peut distinguer, en toile de fond, l’idée que le syndicalisme doit être porteur de propositions et la tendance à privilégier la proposition d’ « alternatives » à l’opposition franche aux projets de régression, comme si les avancées nécessaires n’avaient pas comme condition tout aussi nécessaire le refus sans équivoque des régressions. L'idée de revendications paraît lui sembler trop forte. Ce parti-pris débouche souvent sur l’acceptation de l’idée de « réforme » et de la définition du rôle du syndicat comme négociateur pour qu’elle soit moins mauvaise. Or, nous ne pouvons pas découper les réformes éléments par éléments et en isoler certains pour conclure que la réforme est amendable car chaque réforme s’inscrit dans un cadre global de régressions préparé par nos adversaires. Cela produit, à terme, du découragement et de la désorientation que la lecture des documents préparatoires ne parvient pas à combattre, d'autant plus que l'analyse de la situation, dans ces documents, emprunte beaucoup à l'idéologie dominante qui voudrait que ce soit le libéralisme qui est dominant alors qu'on contraire, il existe une intrication très grande entre l'État et les grandes sociétés capitalistes afin qu’elles puissent imposer la satisfaction de leurs intérêts, c'est-à-dire d'obtenir le taux de profit maximum.


Après la signature en 2008 du « protocole d'accord sur la dialogue social dans la Fonction Publique », le dernier épisode de l’abstention-appui au CTPM du 28 mai 2009, commandée par la direction du SNES, sous le prétexte fallacieux de « respect des mandats », illustre cette stratégie de renoncement, qui privilégie un syndicalisme de « discussions » plutôt que l’engagement déterminé à construire le « Tous ensemble en même temps », sur des bases qui répondent aux intérêts des usagers de l'école et des personnels, seul capable de faire reculer le pouvoir sarkozyste.

Cette volonté de signer à tout prix traduit le choix de la direction FSU d'intégrer les rouages officiels du « dialogue social » afin, au mieux, de négocier quelques miettes sur fond de régression sociale sans limite. Ce choix de syndicalisme d'accompagnement, déjà au cœur de la volonté d'adhérer aux institutions du « syndicalisme » international officiel (CES et CSI), met bien évidemment les personnels et leurs luttes dans une impasse, eux qui font quotidiennement l'expérience que la régression sociale ne peut se négocier, sauf à déboucher sur des reculs sans fin.

Pourtant, la fondation de la FSU au début des années 90, sous l’impulsion décisive de la tendance « Unité et Action » face aux dérives et aux pratiques de la FEN, avait suscité un grand espoir chez les personnels de l’Education Nationale, celui d’un vrai syndicalisme de lutte et de masse en milieu enseignant, après les années de compromissions de la FEN inféodée au PS… C’est à partir d’un tel espoir que la FSU est devenue la première organisation syndicale des personnels de l’enseignement public et qu’elle demeure aujourd’hui l’organisation vers laquelle se tournent les personnels en cas de problèmes, personnels ou collectifs. Mais aujourd’hui, la tendance U&A, pièce centrale dans l’activité de la FSU, ne joue plus son rôle d’impulsion des débats, y compris idéologiques, pour entraîner l’ensemble des militants dans l’action victorieuse.

Or, il n'y a pas de troisième voie entre résistance et conciliation. Reste à bien choisir son camp. « Unité et Action », avec la FSU, est à la croisée des chemins. Elles doivent entendre la voix de tous les personnels de l’éducation nationale qui se battent avec détermination pour défendre leurs emplois, leurs services publics et leurs droits ; elles doivent refuser tous les pièges tendus par le pouvoir, menant à la compromission ; elles doivent retrouver le chemin du syndicalisme de lutte et travailler à la construction du rapport de forces nécessaire pour arracher de vraies victoires.

D'autant plus que les objectifs du patronat, concernant le système éducatif, sont clairs : premièrement, faire que l'école réponde à ses besoins en main-d'œuvre ; deuxièmement, diminuer les dépenses éducatives ; troisièmement, augmenter la sélection sociale ; quatrièmement, faire que l'école assure encore mieux sa domination idéologique. Le tout dans un cadre autoritaire de plus en plus pesant.



A - Europe et Education


C’est au sommet de Lisbonne en 2000 que la stratégie éducative européenne a été définie explicitement1. L’Union Européenne devant « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde », affirme le document final du sommet, il faut « une transformation radicale de l’économie européenne » et « un programme ambitieux en vue de moderniser les systèmes de sécurité sociale et d’éducation ». L’éducation et la formation sont ravalées au rang d’instruments pour les « politiques de l’emploi » : les systèmes éducatifs doivent se rapprocher du milieu professionnel (y compris par l’inculcation de « l’esprit entrepreneurial »), s’« adapter » à la nouvelle donne technologique et aux exigences de compétences et de flexibilité, le mieux étant de laisser à l’industrie le contrôle de la formation professionnelle. Leur mission prioritaire est de donner à la masse des enfants un bagage de compétences et de comportement (le « socle commun » aujourd'hui au collège) suffisant pour accéder à l’emploi et s’inscrire dans une perspective de « formation tout au long de la vie ».


Le Conseil européen de Barcelone en 2002, auxquels Jospin et Chirac participèrent ensemble et dont ils ont signé ensemble le document final, a pris un certain nombre de décisions très graves concernant les services publics, l'Education et les retraites (qui sont elles aussi depuis une vingtaine d'années, par les gouvernements successifs, objets d'attaques régressives). Ceci dans la ligne du sommet de Lisbonne.


Une communication de la commission de Bruxelles de 2003 précise les dispositions à prendre pour appliquer la stratégie de Lisbonne, dans le cadre du Pacte de Stabilité : réduction de l’engagement financier de l’Etat, intervention des capitaux privés « au niveau des investissements nécessaires dans l’éducation », au plus près des besoins des entreprises. Un programme et un calendrier précis sont définis jusqu’en 2010. Des conseils pour réformer sont prodigués tel celui d’attaquer prioritairement les « maillons faibles » (en France, le second degré et l’université). Pour mesurer l’avancée des réformes, des bilans annuels sont établis par la Commission, dans lesquels, comme pour les transports, l’énergie, la Poste… les membres de l’Union sont pressés de faire des réformes urgentes.


La "stratégie de Lisbonne" est la référence fondamentale de toute la stratégie de réformes aux fins de mise en convergence des politiques éducatives en France comme dans les autres pays d’Europe. Derrière toutes les régressions se trouve cette entreprise de formatage des systèmes éducatifs définie au niveau supranational et déclinée nationalement.



La situation est grave. Attaqués au nom de politiques européennes appliquées par les gouvernements successifs, l’Education nationale, la Recherche publique et le statut des fonctionnaires sont menacés de mort par les réformes LMD, LRU, la loi Fillon, les décrets Darcos-Pécresse, la Réforme Châtel, les EPEP, la « réforme de l’Etat », la LOLF, la « décentralisation », prélude à la privatisation de pans entiers de l’Education nationale. C’est en même temps l’idéal égalitaire porté par la France depuis 1945, issu de la Résistance et de la victoire sur le nazisme qui risque d’être balayé. On mesure l’importance du recul de civilisation qui est programmé lorsqu’on compare ce qui se prépare au plan Langevin-Wallon édifié dans la France ruinée du milieu des années 40 : « Tous les enfants, quelles que soient leurs origines familiales, sociales, ethniques, ont un droit égal au développement maximum» ; l'enseignement doit « se démocratiser moins par une sélection qui éloigne du peuple les plus doués que par une élévation continue du niveau culturel de l'ensemble de la nation ».


Or, dans ses documents préparatoires au congrès, la FSU n’explicite guère le tournant majeur que constitue la stratégie de Lisbonne. Il n’y a pas d’analyse de ce qu’est l’UE, historiquement et concrètement, des stratégies des grands groupes privés dont elle défend les intérêts communs, ni de la « concurrence libre et non faussée », thème idéologique, qui n'a rien à voir avec la politique menée qui organise la concurrence au bénéfice de ces grands groupes, au cœur de la construction européenne et synonyme de destruction des acquis sociaux.. Ce faisant, l’analyse proposée passe à côté du moment « historique » dans lequel nous nous trouvons et nous fait courir le risque de l’impuissance et de la résignation.


Déjà en 1992, les directions étaient restées neutres par rapport au traité de Maastricht qui a causé tant de tort à l’Education nationale en particulier et aux salariés en général. Les protestations orales et écrites de syndiqués insistant sur la dimension « anti-Europe de Maastricht » de la lutte syndicale ont été alors ignorées, brocardées ou censurées. Il a de même fallu une lutte idéologique intense pour que le SNES et la FSU finissent, en traînant les pieds, par condamner le traité constitutionnel européen totalitaire, impérialiste et supranational, sans avoir cependant le courage élémentaire d’appeler à voter Non sur des bases syndicales. Depuis, le passage en force de la Constitution européenne rebaptisée Traité de Lisbonne n'a guère entraîné de protestation et les documents préparatoires au congrès de Lille baignent dans une euro-béatitude contestant certes le prétendu « libéralisme » mais jamais la nature de classe de l'UE.



B- Syndicalisme international


Conformément à ce qui précède, la direction entend maintenir sa demande d'adhésion à la CSI (bloquée par le véto de FO) et formuler sa demande d'adhésion à la CES.

Or, ces deux institutions sont les outils de l’intégration du syndicalisme dans les règles du jeu définies conjointement par les grands groupes privés et par les institutions nationales et supranationales de moins en moins démocratiques.


- La Confédération Européenne des Syndicats (CES), qu’on présente souvent comme la centrale syndicale européenne, est en réalité une institution européenne créée en 1973 – et financée comme telle par l’UE - à laquelle le traité d’Amsterdam a reconnu la qualité d’interlocuteur dans le domaine social. Elle est à ce titre associée à la préparation des sommets et à toutes les activités de l’agenda européen et participe à l’élaboration des politiques économiques et sociales au plus haut niveau, en collaboration avec tous les organes de l’UE : Présidence de l’UE, Conseil de l’UE, Commission européenne et Parlement européen. Elle se revendique d’ailleurs comme « co-régulateur » aux côtés d’autres «partenaires sociaux » - les représentants du patronat européen - de la « gouvernance européenne » (congrès CES de Prague 2003). Les organisations syndicales nationales « réformistes » y ont d’abord adhéré puis d’autres, à mesure de leur mutation vers le syndicalisme rassemblé, cautionnant ainsi la CES qui a le pouvoir de négocier des accords-cadres européens s’imposant aux législations européennes 2. Soucieuse de «promouvoir le modèle social européen et d’œuvrer au développement d’une Europe unifiée de paix et de stabilité au sein de laquelle les travailleurs et leur famille peuvent pleinement profiter des droits humains et civils et de hauts niveaux de vie », la CES a participé à la rédaction du TCE, a fait campagne pour le oui et s'est félicité de l'adoption anti-démocratique de la constitution européenne bis, elle soutient la stratégie éducative de Lisbonne3 et son secrétaire général, John Monks, déclare désormais que les syndicats doivent « sauver le capitalisme de lui-même ».


Les arguments généralement donnés à l’appui de l’adhésion de la FSU à la CES prétendent que, dedans, on pourrait « infléchir » ou « peser » dans les négociations institutionnelles européennes et que de toute façon, la FSU ne peut pas rester isolée. Or, en cas d’adhésion, la FSU ne négociera rien, c’est la CES qui s’en charge, mais elle aura désormais la caution de la FSU pour continuer à soutenir la stratégie de Lisbonne, de la même manière que la constitution européenne a reçu l’aval du « syndicalisme européen ». En outre, l’espoir d’infléchir les positions de la CES est bien fragile quand on observe sa cohérence institutionnelle et programmatique de la CES et son rôle d’accompagnement syndical de la politique de l’UE. Il n’est d’ailleurs que d’observer que c’est la CGT, et non l’inverse, qui s’est infléchie depuis son adhésion à la CES. Enfin, il faut ré-affirmer que la CES ne protège pas de l’isolement et de la division des luttes, qui organise périodiquement quelques rassemblements mais refuse toujours de coordonner les luttes dans les différents pays 4.


- Quant à la Confédération Syndicale Internationale (CSI), les militants expérimentés savent ce que peut représenter cette alliance de la Confédération Mondiale du Travail (CMT) créée par le Vatican après la première guerre mondiale et de la Confédération Internationale des Syndicats Libres (CISL) créée en pleine guerre froide par la confédération états-unienne AFL-CIO avec les fonds, entre autres, de la CIA. C’est d’ailleurs Guy Ryder, ancien dirigeant de la CISL, qui est devenu, lors de son congrès constitutif, le secrétaire général de la CSI (et 50 des 70 membres de l’organe de direction de la CSI sont d’anciens de la CISL). Extension de la CISL, la CSI, dominée par le syndicalisme « réformiste » des pays riches, prône un « véritable dialogue mondial entre les syndicats et les entreprises, un partenariat social international ». Son programme reprend mot pour mot le vocable des institutions officielles du libéralisme (FMI, Banque mondiale, OMC, Union européenne,…)5 et définit une action syndicale identique à celle de la CES ou de la CFDT : «dialogue social" entre "partenaires sociaux" pour déboucher sur des compromis dans le cadre d’un réalisme respectueux des contraintes économiques6. Bien entendu, poursuivent les statuts, « les organisations membres (…) ont la responsabilité de prendre en compte dans la formulation de leurs politiques les décisions du congrès et des organes directeurs de la confédération », faute de quoi « le conseil général a le droit de suspendre et le congrès a le droit d'exclure toute organisation affiliée qu'ils jugent coupable d'infraction aux présents statuts ou d'actions contraires aux intérêts de la confédération. »


Que la direction FSU veuille adhèrer à ces organisations, sans même dire un mot de l’histoire7, de la nature et des pratiques de ces organisations est très inquiétant. Car, au final, ce qui est à l’ordre du jour est la dilution de notre syndicalisme dans un syndicalisme sans militants, bureaucratisé et participant des institutions officielles, privé de son indépendance et voué, au mieux, à négocier en recul dans le cadre imposé de la mondialisation et des besoins des entreprises, au pire à soutenir les contre-réformes. Et même les formules censées « rassurer » les militants pour qui la naissance de la FSU en réaction à la dérive « réformiste » de la FEN a eu et a encore un sens sont ambiguës. Au-delà de la radicalité de certaines formules, la perspective explicitée est bien de lutter contre les « dégâts du capitalisme », et non contre le système capitaliste qui produit ses dégâts. Dès lors, l’action syndicale est circonscrite à une lutte défensive et à l’aménagement des régressions inscrites au cœur du système lui-même. Cette acceptation de la société capitaliste et, de fait, l’inscription de l’action syndicale dans les limites du système et des intérêts des grands groupes capitalistes, principes au cœur du syndicalisme réformiste, expliquent d’ailleurs que, de la CES à l’AFL-CIO, celui-ci n’a jamais réussi à conquérir d’avancée réelle pour les travailleurs.



La FSU ne doit pas adhérer à la CES et à la CSI et doit au contraire mener une campagne contre ces « outils syndicaux » d’accompagnement des régressions. Il n’est pas question ici de repli national. Au contraire, la FSU se devrait d'adhérer à la FSM, organisation internationaliste qui promeut un syndicalisme de lutte de classes. Il est nécessaire, parallèlement, de développer par exemple une « Europe des luttes » par les liens avec les organisations qui se battent à l’heure actuelle au Portugal, en Grèce et ailleurs contre l’étranglement de leurs systèmes éducatifs et ne sont surtout pas soutenues par la... CES.


A l’échelle mondiale, le niveau mondial de militarisation n'a jamais été aussi élevé. Les dépenses militaires mondiales en 2008 étaient estimées à 1 464 milliards dollars. C’est une augmentation de 4% par rapport à 2007 et de 45 % par rapport à 1999. Il faut bien garder à l'esprit que ces dépenses servent à semer la mort et la destruction sur la planète. Les guerres se sont multipliées depuis la fin de la guerre froide. Le Moyen-Orient, particulièrement l'Irak, l'Afghanistan subissent les assauts meurtriers de l'impérialisme étasunien. Les palestiniens vivent le martyr. En Afrique, les conflits menés en sous-main par les puissances impérialistes pour s'approprier les richesses naturelles sont nombreux. L'Amérique latine voit s'accentuer l'intervention des États-Unis avec l'implantation de bases en Colombie et l'invasion militaire de Haïti, après le coup d'état fomenté Honduras.

La FSU doit lutter pour le désarmement, en priorité le désarmement atomique, et pour la paix. L'ampleur qu’elle doit donner à cette lutte doit être à la mesure des dangers courus par l'humanité qui risque de se voir détruite si le processus militaire impérialiste actuellement engagé n'est pas inversé.

La FSU doit condamner les différents impérialismes, et principalement celui des Etats-Unis, qui possèdent des bases dans plus de 100 pays et visent à s'accaparer les richesses au niveau de la planète tout entière. Bien évidemment, la France et l’Europe ne sont pas en reste et il s'agit, là-encore, de contribuer à développer la solidarité et la coopération internationales en tournant les yeux vers le tiers-monde et les processus progressistes en Amérique Latine.





C- L'unité syndicale


Comment est-il possible d’aborder cette question sans analyser le discours et les pratiques des différentes centrales syndicales, sans rappeler par exemple les positions de la direction CFDT soutenant la stratégie de Lisbonne ou encore la casse des retraites ? Comment avancer vers l’unité réelle si on ne dénonce pas la pratique, malheureusement ancienne, de certains dirigeants syndicaux, qui, après avoir fait mine de se joindre à l’action voulue par la base, entament brusquement, en pleine lutte, des conversations séparées, secrètes, avec le gouvernement puis, sans consultation, même de leurs militants, concluent des accords de trahison et appellent les grévistes à capituler ?

De même, quand on parle d’unité syndicale, parle-t-on d’une unité de sommet ou d’une unité construite à la base à partir des revendications des salariés ?


La pratique d’accords de sommet est à l’opposé de l'unité d’action nécessaire pour gagner ; elle met le mouvement social à la remorque des centrales qui depuis des années accompagnent les contre-réformes du patronat et du gouvernement. Elle débouche dans les faits sur des accords a minima qui handicapent l’action, la divisent en chemin, dévoient son sens revendicatif quand elle aboutit à un rapport de forces positif au bénéfice des travailleurs.


L’unité des organisations syndicales n’est pas un fétiche et ne peut en aucun cas se construire sur la négation des intérêts des salariés. L’unité syndicale, c’est d’abord l’unité dans l’action à partir de revendications établies par les salariés et cela exige la clarté face aux manœuvres de sommet et aux compromissions de couloirs. C’est cette unité à la base, à construire inlassablement, qui doit remonter jusqu’au sommet.


Il est vrai que nous payons l’émiettement du paysage syndical. La naissance de la FSU, en 1992, portait d’ailleurs l’espoir d’une réunification du mouvement syndical. La question de la centrale unique CGT-FSU était posée, dynamisant le mouvement de 95 avec l’espoir que le syndicalisme de lutte CGT et FSU allait l’emporter sur le syndicalisme d’accompagnement et de défaite incarné par la FEN (UNSA), la CFDT et leurs suiveurs. Depuis, la direction CGT a préféré la CES et la CFDT mais aujourd'hui que le recentrage des uns et des autres s'accélère, la question revient officiellement en débat.


Alors qu'au plan local, de nombreuses SL et SD de la FSU travaillent étroitement avec les UL et les UD de la CGT, c’est cette unité sur le terrain qui fournit une base concrète à la « recomposition syndicale » pour laquelle la FSU doit porter la nécessité d’une centrale unique des travailleurs fondée sur la lutte de classe et l’ancrage de masse.



D- Tous ensemble en même temps !


L’expérience des luttes de ces dernières années indique que, face à un pouvoir aussi déterminé menant une offensive planifiée et déclinée secteur par secteur, nous ne gagnerons qu’en conjuguant nos forces. Cette idée-force, la FSU, première organisation syndicale de la Fonction Publique, doit la mettre en avant pour fédérer les énergies qui la composent. L’important est moins d’inciter les professeurs des écoles à se battre pour les chercheurs universitaires que de démontrer aux uns et aux autres que nous ne pourrons gagner qu’en nous battant au même moment contre le même adversaire. Il faut d'ailleurs reconnaître que cette évidence est beaucoup plus présente à la base qu'au sein des Etats-Majors qui s'ingénient à décourager les convergences (ce fut le cas lors du grand mouvement universitaire de 2009).


Cette indispensable mobilisation dans l'Education nationale et la Fonction publique doit s'appuyer sur des revendications claires et un calendrier d'action défini pour gagner, en mettant au premier plan la cohérence des attaques et la nécessaire cohérence revendicative pour y répondre. Le rôle de la Fédération n’est pas de redoubler l’action des SN mais plutôt de s’appuyer sur elle pour expliciter les cohérences stratégiques derrière les évolutions sectorielles, afin de favoriser le regroupement des personnels de l’Etat autour d’actions convergentes. Le traité de Maastricht, le pacte de stabilité comprimant les dépenses publiques, la stratégie de Lisbonne, la LOLF doivent être dénoncés en tant qu’axe stratégique des gouvernements et des organisations patronales.


Il faut aussi relancer l’action pour la défense de la laïcité dans le cadre de la République : non à la promotion des religions, non aux intrusions des entreprises dans l’éducation et dans les programmes… La FSU doit condamner sans réserve les financements publics de l’école privée et le soutien déclaré du gouvernement à l’enseignement privé en réaffirmant les mandats de réunification sur la base d’un grand service public d’éducation.


Mais cette mobilisation sectorielle doit aussi être portée par la préparation d'une mobilisation générale public/privé contre les attaques menées par un gouvernement Sarkozy qui n'est rien d'autre que le syndic des intérêts des grands groupes capitalistes du CAC 40. Les efforts unitaires (inter pro et intersyndicaux) à la base seront donc décisifs pour construire à partir des luttes le tous ensemble en même temps seul capable d’imposer le rapport de force et la défaite du pouvoir du capital, à partir d’une plate forme revendicative pour la défense des services publics et de la protection sociale (retraites, Sécu), pour la défense de l'emploi et le « Produire en France », pour le rattrapage du pouvoir d'achat des salaires et des pensions et leur revalorisation, pour les droits syndicaux et les libertés démocratiques.


Alors que nous subissons l’offensive anti-sociale la plus terrible depuis la seconde guerre mondiale et qu’elle menace de nous faire perdre tous les acquis de 36, 45, 68, la lutte contre le Capital et son système sont plus que jamais à l’ordre du jour. Seule la victoire contre le pouvoir politique au service des grandes sociétés capitalistes et pour un changement de société pourra réellement mettre fin aux attaques et aux régressions. Afin d'y contribuer la FSU doit revenir à ses valeurs fondatrices et renouer avec le syndicalisme de classe et de masse. C’est une question vitale pour résister aux attaques de plus en plus déterminées d’un pouvoir qui mise ouvertement sur l’intégration des forces syndicales dans le syndicalisme d’accompagnement.

 

1 Voir à ce sujet les travaux de Christian Laval, de l’Institut de recherche de la FSU

 

2 Tel celui pour le développement des compétences et des qualifications tout au long de la vie (2002) définissant la formation… hors temps de travail !

 

3 Tout en permettant quelques critiques, pleines d’humour : « La CES a toujours soutenu la Stratégie de Lisbonne, néanmoins elle pense que les occasions majeures de renforcer le modèle social européen ont été manquées. »

 

4 Rappelons pour mémoire qu’en plein conflit sur les retraites en France, en Autriche et en Italie, se déroulait le congrès de la CES, en présence des principaux dirigeants syndicaux français : cette honorable assemblée n’a pas jugé utile de dire un mot sur le sujet des retraites, encore moins de lancer un appel pour soutenir les travailleurs français ou pour fédérer les luttes dans les différents pays. En fait, les dirigeants de la CES étaient occupés à auditionner Giscard, Delors et les représentants du grand patronat européen venant sceller leur alliance au sujet de la constitution européenne…

 

5 « Lutter pour la gouvernance démocratique de l’économie » entre organisations inter ou supra-nationales, Entreprises, syndicats et ONG, « stratégies de capital humain », « accès au travail décent »

6 Ce qui se traduit par la soumission du politique à l’économique subordonnant les États aux institutions supranationales vouées au libéralisme économique le plus débridé et dotées de pouvoirs contraignants.

 

7 Rappelons que la CISL s’est illustrée, entre autres, en soutenant le coup d’Etat de Pinochet au Chili en 73, ce qu’elle reproduit lors coup d’Etat contre Chavez en 2002.

 

Publié dans FSU

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