Guerre à Gaza : l’avenir incertain du cessez-le-feu malgré les échanges de prisonniers
Pierre Barbancey
L'Humanité du 20 février 2025
Le Hamas a rendu les corps de quatre captifs dont deux enfants, qui auraient été tués lors de bombardements aériens. Alors que l’accord de cessez-le-feu est toujours fragile, une réunion informelle a lieu ce vendredi 21 février à Riyad pour la reconstruction de l’enclave palestinienne sans nettoyage ethnique.
Le Hamas a rendu, jeudi, les corps de quatre Israéliens, capturés lors de l’attaque du 7 octobre. Ceux de Shiri Bibas et de ses deux enfants, Ariel, 4 ans et Kfir, 9 mois. Et celui d’Oded Lifshitz, 83 ans. L’organisation palestinienne a fait savoir qu’ils avaient été tués avec leurs gardes lors des frappes aériennes israéliennes.
À Gaza, personne ne s’est réjoui de voir ainsi des enfants israéliens morts avec leur mère. Sur les 48 000 Palestiniens tués depuis le début de la guerre, plus de la moitié sont des femmes et des enfants. Sans compter les milliers de cadavres qui se trouvent encore sous les décombres.
Le Hamas a proposé de libérer tous les prisonniers restés dans la bande de Gaza « en une seule fois » en échange d’une trêve durable et d’un retrait complet de l’armée israélienne de l’enclave assiégée. Dans une déclaration, mercredi 19 février, le porte-parole du Hamas, Hazem Qassem, a exposé la vision du groupe pour la deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu, qui comprend l’échange proposé. « Nous sommes prêts pour une deuxième phase dans laquelle les prisonniers seront échangés en une seule fois, dans le cadre de la conclusion d’un accord qui mène à un cessez-le-feu permanent et à un retrait complet de la bande de Gaza. »
Six otages israéliens libérés samedi
L’organisation islamiste va augmenter le nombre de prisonniers à libérer lors du prochain échange, samedi 22 février, de trois à six. Une décision qui, apparemment, vise à accélérer la mise en œuvre de la deuxième phase de l’accord. Elle est aussi une réponse à l’autorisation donnée par Israël de permettre l’entrée dans la bande de Gaza de mobile homes et d’équipements de construction dont les Gazaouis ont besoin alors que leurs maisons ont été détruites. Au plus fort de la guerre, 90 % de la population de Gaza a été déplacée. Beaucoup de familles sont retournées chez elles et ont constaté qu’il ne leur restait rien et qu’elles n’avaient aucun moyen de reconstruire.
Depuis l’accord de cessez-le-feu du 15 janvier, 1 135 Palestiniens ont été libérés des prisons israéliennes. Israël devrait en relâcher 502 autres dans les prochains jours. Après la remise de la semaine dernière, le nombre de captifs libérés par le Hamas et le Djihad islamique palestinien a atteint 25 depuis le 19 janvier.
Mais de sombres nuages bouchent l’avenir de la région. À commencer par la volonté exprimée par Donald Trump – pour le plus grand plaisir de Benyamin Netanyahou – de procéder à un nettoyage ethnique de la bande de Gaza en expulsant les 2 millions de Palestiniens en Égypte, en Jordanie et même en Arabie saoudite, sous prétexte d’y établir une « Riviera du Moyen-Orient », malgré le tollé international provoqué. Comment, dans ces conditions, discuter de la phase 2 et même de la phase 3 (sur la reconstruction, dont le coût, selon l’ONU, s’élèverait à près de 51 milliards d’euros) de l’accord ?
Le « plan égyptien de reconstruction » de Gaza en discussion en Arabie saoudite
Ce vendredi 21 février, en prélude au sommet arabe extraordinaire convoqué au Caire le 4 mars, les dirigeants des six riches monarchies du Golfe – Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Qatar, Koweït, Oman, Bahreïn – ainsi que d’Irak, de Jordanie et d’Égypte devraient discuter, à Riyad et à huis clos, d’un « plan égyptien de reconstruction » de Gaza.
Bien que Le Caire ait gardé le silence sur ses propositions, Mohammed Hegazy, membre du Conseil égyptien des affaires étrangères, a néanmoins révélé sur le site égyptien Ahram Online, que ce plan est composé de trois phases étalées sur trois à cinq ans.
Il souligne également que les Israéliens doivent cesser de tenter de créer une nouvelle réalité en refusant de se conformer à la phase d’aide humanitaire de l’accord de cessez-le-feu. Par ailleurs, la chaîne saoudienne Al-Arabiya a fait référence aux consultations arabes en cours pour organiser une conférence sur la reconstruction de Gaza avec une large participation européenne.
Reste évidemment le problème du contrôle de Gaza d’après-guerre. Peut-être la question la plus complexe. Le plan égyptien prévoit la mise en place d’une « administration palestinienne neutre, qui ne soit liée à aucune faction politique », explique Mohammed Hegazy. Elle sera « composée d’experts et relèvera politiquement et juridiquement de l’Autorité palestinienne ». Si cela semble être également le vœu de nombre de pays arabes, le Qatar est plus nuancé, arguant du fait que « l’avenir de Gaza doit être une décision exclusivement palestinienne ».
De son côté, Israël refuse d’envisager une quelconque gouvernance palestinienne. Dans ces conditions, il n’est pas certain que le cessez-le-feu durera. C’est ce que cherche Netanyahou, qui vient d’ailleurs d’annoncer de prochaines manœuvres israéliennes dans le nord de la bande de Gaza.