Secouristes palestiniens tués à Rafah : une énième violation du droit international restée impunie dans l'indifférence de l'Occident

Publié le par FSC

Pierre Barbancey
l'Humanité du 1er avril 2025

 

Selon les Nations unies, au moins 1 060 professionnels de santé ont été tués au cours des derniers dix-huit mois.© REUTERS/Hatem Khaled

 

Dans le sud du territoire palestinien, quinze ambulanciers et secouristes palestiniens, dont au moins un employé des Nations unies, ont été tués par l’armée israélienne dans la nuit du 29 au 30 mars. Des crimes de guerre qui se multiplient sans que le monde ne tente d’empêcher le génocide en cours.


Dans la bande de Gaza, chaque jour apporte son lot d’horreur supplémentaire. Ce n’est plus la marque d’un massacre mais bien d’un génocide qui a repris avec la violation du cessez-le-feu par Israël. Rien ni personne n’est épargné. Le 23 mars, quinze ambulanciers et secouristes palestiniens, dont au moins un employé des Nations Unies, ont été tués par l’armée israélienne.


Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (Ocha), les membres du Croissant-Rouge palestinien et de la défense civile sont partis ce jour-là pour tenter de venir en aide à plusieurs de leurs collègues. « Les informations disponibles indiquent que la première équipe a été tuée par les forces israéliennes le 23 mars, et que d’autres équipes d’intervention d’urgence et d’aide humanitaire « ont été touchées » les unes après les autres pendant plusieurs heures alors qu’elles recherchaient leurs collègues disparus », a indiqué un porte-parole de l’Ocha.

Un premier corps retrouvé après des heures de fouilles


Jonathan Whittall, responsable de l’Ocha en Palestine se remémore l’atrocité de la scène. « Il y a sept jours (le 23 mars – NDLR), alors que les forces israéliennes avançaient sur Rafah, dix membres du Croissant-Rouge palestinien et six membres de la défense civile ont été dépêchés pour recueillir les blessés. Les cinq ambulances et un camion de pompiers ont été touchés, ainsi qu’un véhicule de l’ONU arrivé plus tard, déplore le responsable sur les réseaux sociaux. Le contact a été perdu avec tous les blessés ».


Il poursuit : « Pendant des jours, l’Ocha a tenté d’obtenir l’accès au site, mais cela n’a été autorisé que cinq jours plus tard. » Jonathan Whittall s’est ainsi rendu sur place, témoignant de ce qu’il a pu voir. Il dit avoir rencontré, lors de son déplacement dans la région au cinquième jour d’intervention, « des centaines de civils fuyant sous les tirs, une femme blessée par balle à l’arrière de la tête « puis » un jeune qui tentait de la récupérer «, touché à son tour. » Nous avons pu récupérer son corps grâce à notre véhicule des Nations unies », ajoute-t-il.


Il parvient finalement sur le site. « Les ambulances, le véhicule de l’ONU et le camion de pompiers avaient été écrasés et partiellement ensevelis. Après des heures de fouilles, nous avons retrouvé un corps. » Sur une vidéo, le courageux responsable de l’Ocha explique : « Un par un, les ambulanciers et les agents de la défense civile ont été touchés. Leurs corps ont été rassemblés et enterrés dans cette fosse commune. Nous les extrayons en uniforme, avec leurs gants. Ils étaient là pour sauver des vies. Au lieu de cela, ils ont fini dans une fosse commune », s’indigne-t-il. Selon un responsable du Croissant-Rouge à Gaza, le corps d’un des morts a été retrouvé avec les mains liées.

« Une violation profonde de la dignité humaine »


Le secrétaire général de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), Jagan Chapagain, a exprimé son émotion : « J’ai le cœur brisé. Même dans les zones de conflit les plus complexes, il existe des règles. Ces règles du droit international humanitaire sont on ne peut plus claires : les civils doivent être protégés, les humanitaires doivent être protégés, rappelle-t-il, au même titre que « les services de santé » Pour Philippe Lazzarini, à la tête de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), dont l’un des employés a été assassiné, il s’agit là d’une « violation profonde de la dignité humaine ».


Le porte-parole international de l’armée israélienne, Nadav Shoshani, a bien sûr expliqué que les paramédicaux n’avaient pas été tués délibérément mais que « plusieurs véhicules non coordonnés ont été identifiés avançant de manière suspecte « vers ses troupes » sans phares ni signaux d’urgence ». Des « terroristes » se seraient cachés parmi les secouristes, sans avancer la moindre preuve.


Ce qui vient de se passer sur le territoire palestinien n’est pas un incident isolé. Pour l’armée israélienne, les lois de la guerre ne comptent pas. Selon les Nations unies, au moins 1 060 professionnels de santé ont été tués au cours des derniers dix-huit mois. Pas un jour sans qu’un ou une de nos collègues journalistes ne tombe. Depuis le début de la guerre, plus de 200 travailleurs des médias ont été tués, selon le Syndicat des journalistes palestiniens. « Gaza souffre de la faim, privée de nourriture, d’eau, de médicaments, d’énergie ou de carburant depuis trente et un jours à cause du siège inhumain israélien et des punitions collectives infligées à la population civile », dénonce le docteur Mustafa Barghouti, qui préside le Secours médical palestinien et anime l’Initiative nationale palestinienne.

Au moins 322 enfants morts en dix jours


La reprise de l’offensive militaire israélienne sur la bande de Gaza a causé la mort d’au moins 322 enfants en dix jours, note l’Unicef. « Le cessez-le-feu offrait un filet de sécurité dont les enfants de Gaza avaient désespérément besoin », a déploré sa responsable, Catherine Russell. « Au lieu d’appeler à nouveau toutes les parties à protéger et à respecter les humanitaires et les civils, je pose une question : ”Quand cela va-t-il cesser ?” », a crié Jagan Chapagain, du FICR.


L’Afrique du Sud a saisi la Cour internationale de justice (CIJ) en décembre 2023, accusant Israël de génocide. Il y a quelques mois, Amnesty International a conclu son enquête également dans ce sens. Pourtant, rien n’est fait pour stopper Benyamin Netanyahou. Pis, alors qu’un mandat d’arrêt a été émis à son encontre par la Cour pénale internationale (CPI) pour crime de guerre et contre l’humanité, le premier ministre israélien est reçu en grande pompe en Hongrie et aux États-Unis. Quant à la France, elle laisse entendre qu’elle ne l’arrêtera pas. Quel meilleur encouragement à continuer ? Israël ne s’en prive d’ailleurs pas. À Gaza et en Cisjordanie mais également au Liban et en Syrie, les attaques sont maintenant quotidiennes.
 

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