De l'Irak en 2003 à l'Iran : Donald Trump dans les pas de George W. Bush pour remodeler le Moyen-Orient
Bruno Odent
L'Humanité du 17 juin 2025
Le 7 avril dernier, Donald Trump accueillait Benyamin Netanyahou à la Maison Blanche à Washington.© Brendan SMIALOWSKI / AF |
Bon gré mal gré, Donald Trump se place dans les pas de George W. Bush qui voulait, au lendemain de l’invasion de l’Irak, mettre en place en 2004 un vaste « remodelage » de toute la région, pour mieux la placer sous contrôle et en conformité avec les objectifs stratégiques du capital états-unien.
Comment mieux mettre la main sur un Moyen-Orient, si riche en hydrocarbures, fut l’une des obsessions principales de l’impérialisme états-unien jusqu’à l’aube du nouveau millénaire. Cet objectif a particulièrement imprégné en 2004 le projet de remodelage du « grand Moyen-Orient » de l’ex-président républicain, George W. Bush.
Avec les stratèges néoconservateurs qui l’entouraient – Paul Wolfowitz, Dick Cheney et Donald Rumsfeld –, il plaidait l’émergence d’un « nouveau siècle américain ». Si l’or noir ne joue plus un rôle aussi décisif aujourd’hui, la logique de domination qui suppose une mainmise sur la région et sur des échanges économiques globalisés demeure. C’est elle que l’on retrouve dans le soutien de Donald Trump et de tous ses vassaux occidentaux du G7 à la guerre déclenchée par Israël contre l’Iran.
Le plus grand « fake » de la diplomatie mondiale
Le projet de « grand Moyen-Orient » de Bush allait de la Mauritanie et du Maroc sur la côte Atlantique au Pakistan en Asie, aux confins de l’Inde, englobant les États du Maghreb et du Machrek ou encore la Turquie, l’Iran et l’Afghanistan. Selon une démarche néo-impériale classique agrémentée de « bons sentiments », il prétendait jouer un rôle « civilisateur » et « en faveur de la démocratie » malmenée dans la région.
Ses auteurs intervenaient dans le prolongement d’une guerre qualifiée déjà, elle aussi, de « préventive » contre l’Irak dont le régime était accusé de collusion avec le terrorisme international et ses attaques de septembre 2001 contre les tours jumelles du World Trade Center, à New York.
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L’invasion de l’Irak valut aux Nations unies de vivre le plus grand « fake » de la diplomatie mondiale quand Washington prétendit brandir, devant la planète, les preuves de la réalisation en cours d’armes de destruction massive par le régime de Saddam Hussein. Le bilan de cette initiative, qui laissait donc la place essentielle à la politique de la force et de la puissance militaire, s’est avéré particulièrement désastreux. Vingt ans plus tard, non seulement les Irakiens n’ont jamais bénéficié du moindre répit démocratique, mais leur situation globale économique et sociale s’est dégradée dans des proportions inouïes.
Ce qui a largement contribué au désastre de l’émergence d’un mouvement intégriste qui allait ravager toute la région et imposer la barbarie de l’« État islamique » dans les provinces occidentales du pays jusqu’au cœur de la Syrie voisine. Terrible épilogue, quand Washington avait prétendu agir au son du clairon, du canon et des bombes pour « favoriser le développement » de l’ensemble de la région, l’aider « à s’insérer dans l’économie mondiale et soutenir l’émancipation des femmes ».
En réalité, derrière les envolées des communicants officiels de l’Empire, ce sont d’abord les principes d’accès des champions du capital états-unien aux formidables ressources énergétiques de la région et au contrôle de ses marchés qui constituaient la vraie norme de régularisation.
La plaque tournante serait Israël
Le ralliement de l’administration Trump à la guerre elle aussi « préventive » déclenchée par son allié israélien contre l’Iran obéit à des considérations stratégiques analogues. Même s’il contredit quelque peu les engagements de l’oligarque de l’immobilier devenu président devant les électeurs à ne plus épuiser son pays dans des « guerres éternelles ». Ce risque, pour l’heure, apparaît moindre, il est vrai, quand c’est l’armée israélienne qui se charge du sale boulot.
Quant aux efforts de remodelage du Moyen-Orient dans le sens des intérêts de l’impérialisme états-unien, Benyamin Netanyahou y travaille déjà de longue date. Ainsi a-t-il annoncé très officiellement au sortir d’un G20 en Inde, en 2023, une initiative visant à établir « un couloir économique reliant l’Asie et l’Europe » (Imec) dont la plaque tournante serait Israël.
« Nos chemins de fer et nos ports, se réjouissait Netanyahou, ouvriront une nouvelle porte de l’Inde vers l’Europe en passant par le Moyen-Orient et vice versa – de l’Europe vers l’Inde en passant par la Jordanie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. »
Le projet, qui s’inscrit dans un rapprochement d’Israël avec les pétromonarchies du golfe, comprend la construction de voies ferrées, de pipelines d’hydrogène, de câbles de communication en fibre optique et de câbles électriques, et constitue une formidable garantie d’expansion pour tous les géants du capitalisme états-unien.
Ceux-là sont appelés à jouer les premiers rôles tant dans les aménagements du corridor envisagé que dans son utilisation avec des évitements et des zones stratégiques ciblées, destinées à mettre à l’écart si ce n’est à isoler la Chine, devenue l’ennemi numéro un.